samedi 23 août 2014

Friso-van den Bos, I & Al. (2013). Lien entre mémoire de travail et mathématiques

La mémoire de travail est un élément essentiel à la compréhension des mathématiques et à la résolution des divers exercices donnés aux enfants dès l'école primaire. Cette étude revoit précisément le rôle de la mémoire de travail telle que définie par Baddeley et son poids dans la compréhension des mathématiques tels qu'enseignés en primaire (calculs, problèmes, arithmétique simple, etc.). Tous les aspects de la mémoire de travail sont passés en revue afin de définir précisément le rôle de chaque composant de la mémoire de travail. 

Les différents aspects de la mémoire de travail 

Le modèle de la mémoire de travail le plus connu et le plus souvent utilisé est celui de Baddeley et Hitch (1974). Ils y décrivent un ensemble de deux sous-systèmes : la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, dirigés par un administrateur central. Plus tard, le rôle de l'administrateur central sera précisé à travers l'inhibition, la flexibilité et l'actualisation et un troisième sous-système (non étudié ici) sera ajouté pour expliquer le lien entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme. 

Petits éléments de définition : 
  • Le calepin visuo-spatial : il est chargé du stockage temporaire des informations visuelles et spatiales. 
  • La boucle phonologique : elle est chargée du stockage temporaire des informations auditives et phonologiques. 
  • L'administrateur central : Il coordonne les informations stockées dans les sous-systèmes sus-mentionnés. C'est lui qui permet la manipulation des informations qui fait la spécificité de la mémoire de travail par rapport à la mémoire à court terme. 
Parmi les différentes habilités de l'administrateur central, on trouve : 
  • L'inhibition : la capacité à supprimer une réponse dominante en faveur d'une autre, voir à une absence de réponse. C'est le fait d'éviter de courir quand on entend une sirène de pompier, alors que c'est ce que nous ferions naturellement. En mathématiques, ce serait d'utiliser les opérations connues et maîtrisées (l'addition par exemple) alors que le problème nécessite une nouvelle compétence (la multiplication, par exemple). Il faut alors inhiber l'addition pour faire la multiplication. On utilise aussi l'inhibition pour sélectionner les informations pertinentes et mettre de côté celles qui ne le sont pas pour un problème donné. 
  • Le transfert / La flexibilité : Permet de passer d'une procédure à une autre. En mathématiques, elle est utilisée pour faire évoluer sa stratégie de résolution de problème ou de calcul. On peut avoir besoin de commencer par sélectionner l'information, puis effectuer un calcul, puis un second... Il faut pour cela changer de processus mental, notamment grâce à cette capacité de changement de la mémoire de travail. 
  • L'actualisation : La capacité à contrôler et à revoir l'information stockée en mémoire de travail. En mathématiques, l'actualisation permet de stocker les résultats temporaires, de les manipuler, de stocker à nouveau le résultat suivant en remplaçant l'information précédente, de se souvenir des informations pertinentes de l'énoncé, etc. 
    • On peut diviser l'actualisation en actualisation visuo-spatiale ou en actualisation verbale selon que l'information manipulée et stockée le soit dans le calepin visuo-spatial ou dans la boucle phonologique, c'est à dire qu'il s'agisse d'une information visuelle (des formes, des chiffres, etc.) ou verbale (des mots par exemple). 

La mémoire de travail au service des mathémathiques

Les études montrent que les enfants ayant une moins bonne mémoire de travail sont moins bons en mathématiques, et inversement, que les enfants moins bons en mathématiques ont une moins bonne mémoire de travail. La mémoire de travail est donc directement liée à la réussite en mathématiques. Néanmoins, tous les éléments de la mémoire de travail ne participent pas également à cette réussite. C'est pourquoi je vous présente un schéma représentant les résultats de la présente étude sur l'importance de chaque élément de la mémoire de travail sur la réussite en mathématiques. Plus les éléments sont gros, plus ils sont importants à la réussite en mathématiques

Il est à noté que l'ensemble des types d'exercices de mathématiques ont été étudiés. Les présents résultats sont vérifiés particulièrement pour les problèmes arithmétiques complexes, et moins pour les opérations simple, par exemple pour un calcul seul, qui demande peut de mémoire de travail, de manipulation d'information et d'actualisation. 
Notons également que l'âge influe sur l'importance de chaque composante. En grandissant, les enfants s'appuient plus sur l'actualisation visuo-spatiale et moins sur le calepin visuo-spatial. On peut en conclure qu'en grandissant, les enfants ont besoin de moins stocker d'information, car ils sont devenus experts dans la sélection et l'actualisation de ces dernières. 

Ainsi, pour améliorer les compétences en mathématiques de certains élèves, pourquoi ne pas leur faire faire des tâches simples de mémoire de travail et voir ainsi leurs capacités évoluer malgré eux ? 
Quelques exemples de tâches pour exercer la mémoire de travail : 
  • Tâche d'empan à rebours (boucle phonologique) : Restituer dans l'ordre inverse une liste de nombre de lettres ou de mots. 
  • Tâche de Stroop (inhibition) : des mots de couleur sont écrits dans des couleurs différentes. Il s'agit soit de dire le nom de la couleur, soit de lire le mot en inhibant la couleur typographique.
  • Cubes de Corsi (Calepin visuo-spatial) : Des cubes sont disposés sur une table. On désigne un certain nombre de cube (de plus en plus) dans un ordre prédéfini. L'autre doit 
  • Le Trail Making Test (Flexibilité/transfert) : une planche avec des chiffres et des lettres dispersés. Il faut relier dans l'ordre un chiffre puis une lettre, puis le chiffre suivant et la lettre suivante. 
  • La tour de Hanoy (actualisation visuo-spatiale) : trois piquets et des objet empilés sur l'un des trois piquets. Il faut déplacer la tour sur un autre piquet en gardant l'ordre de grandeur des objets (le plus gros en bas vers le plus petit en haut). On n'a le droit de déplacer qu'un objet à la fois, et un gros objet ne peut jamais aller sur un plus petit.
  • Tâche de Brown-Peterson (actualisation verbale) : Il faut rappeler des lettres après un délai et après avoir fait autre chose pendant ce délai. Rappeler éventuellement dans l'ordre inverse ou bien seulement les X dernières lettres. 

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Source : Friso-van den Bos, I., Van der Ven, S.H.G., Kroesbergen, E.H., Van Luit, J.E.H. (2013). Working memory and mathematics in primary school children: A meta-analysis, Educational Research Review, 10, 29–44