jeudi 7 octobre 2010

Maguire, E. A., & all. (2000). Conduire un taxi amène à modifier la structure de l'hippocampe.

Un autre article de neurobiologie du cerveau, avec une autre recherche qui a révolutionné le domaine, c'est celui de Maguire, E. A. et all. Cette étude, autrement appelée "l'étude des conducteurs de taxi" est intéressante pour sa méthode novatrice et pour ces résultats, encore cités aujourd'hui dans la plupart des travaux sur l'hippocampe et sur la plasticité cérébrale. 

Avant cette recherche, il était impossible de savoir s'il y avait des prédispositions innées, inscrites dans la structure du cerveau, ou si le cerveau était susceptible de changer, d'avoir une plasticité.
Il est nécessaire de rappeler que l'hippocampe a été observé dans cette étude car on savait qu'il était non seulement le lieu de l'encodage de la mémoire, mais aussi qu'il était impliqué dans le repérage spatial (d'où le choix des sujets: les taxi Londoniens, forts en repérage spatial)

Méthode
Ils ont utilisé une méthode dite VBM (voxel-based morphometry), qui consiste à observer les différences de densité dans la matière grise d'un sujet passé à l'IRM structurel. Ils ont ici ciblé l'hippocampe. Ils ont également utilisé une autre méthode de comptage de pixel, pour étudier la même chose, c'est à dire la densité de neurones dans le cerveau.
Les sujets, et c'est là toute l'originalité, n'étaient pas des cérébraux lésés qui n'arrivaient plus à faire une tâche, comparé avec des gens "normaux", mais des chauffeurs de taxi Londoniens (qui ont, rappelons le, un examen de passage très difficile, où ils doivent retenir l'ensemble du plan de Londres, et beaucoup d'autres choses) comparés à des gens "normaux". Ils ont contrôlé la latéralité en ne prenant que des gauchers, tout le monde était âgé de 32 à 62 ans et avaient leur licence de taxi depuis au moins 1 an et demi. Ils n'ont prit que des hommes. Chaque taxi était associé à un homme "contrôle" qui avait les mêmes caractéristiques de niveau social, d'âge, de latéralité, etc.

Hypothèse
L'hypothèse, novatrice, était que l'expérience des taxi allait produire un changement structurel dans une partie du cerveau, attestant alors d'une plasticité neuronale.

Résultats
Il s'est avéré qu'avec les deux méthodes (VBM et pixel-counting), les chercheurs ont observé des différences significatives de densité dans deux structures, et nulle part ailleurs dans le cerveau: l'hippocampe gauche et l'hippocampe droit. Il faut savoir par contre que le volume global de l'hippocampe n'a pas été modifié.
De plus, ils ont analysé la différence de densité entre les chauffeurs de taxi, expérimenté en repérage spatial, et le groupe contrôle, selon les zones spécifiques de l'hippocampe, et il s'avère que chez les chauffeurs de taxi, ce soit l'hippocampe postérieur qui ait augmenté en densité, au détriment de l'hippocampe antérieur. Les résultats sont inverses pour le groupe contrôle, à savoir que pour les sujets contrôle, l'hippocampe antérieur est plus important que chez les taxi. Ceci peut être expliqué par le fait que l'hippocampe n'a pas changé de volume, d'où le besoin de compenser l'augmentation de densité d'un côté par une diminution de densité de l'autre.

Après des analyses post-hoc, ils se sont également aperçu que la densité était corrélé de façon positive avec le temps passé en tant que taxi. Autrement dit, plus de temps on passe à être taxi, plus l'hippocampe postérieur est dense. Ceci n'est cependant valable que pour l'hippocampe droit.


Discussion
Les résultats montrent donc bien des différences structurales dans l'hippocampe, et ce fonction de l'expérience d'un sujet dans un domaine. Ceci attesterait donc du fait que le cerveau a été modelé avec le temps, avec l'expérience, et de manière spécifique a la tâche d'orientation spatiale très utile pour les taxi et non pour les autres. Etant donné que l'on ne peut pas savoir si la différence de densité était déjà présente chez les taxi (ce qui leur aurait fait choisir ce métier), on ne peut qu'avancer le résultat du changement de densité en fonction du temps de pratique, qui atteste bien qu'il y a eu plasticité cérébrale au niveau de l'hippocampe!

Les études lésionnelles montrent aussi que les patients lésés de l'hippocampe mais qui garderaient une partie postérieure intacte seraient à même de redonner le plan de leur ville natale, d'où une sauvegarde de la fonction de repérage spatial grâce à l'hippocampe postérieur.

Apparemment, le fait que pour les sujets contrôle, ce soit l'hippocampe antérieur qui soit plus dense pourrait être expliqué par le fait que l'hippocampe postérieur s'occuperait plus de ce qui est déjà su (un plan appris par cœur, par exemple), et l'hippocampe antérieur serait plus impliqué dans l'encodage de nouvelles informations spatiales.

Ces résultats suggèrent que la "carte mentale" de la ville serait stockée dans l'hippocampe postérieur qui pourrait faire preuve de plasticité dans le cas d'un apprentissage intensif de ce plan, en augmentant sa densité (et non son volume)


Source: Maguire, E. A., Gadian, D. G., Johnsrude, I. S., Good, C. D., Ashburner, J., Frackowiak, R. S. J., & Frith, C. D. (2000). Navigation-related structural change in the hippocampi of taxi drivers, PNAS, 97 (8)

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