mercredi 26 janvier 2011

Dehaene, S. & al. (2001). Les fonctionnements cérébraux du masquage et de l'amorçage de répétition inconscient

Cette étude a voulu trouver les bases cérébrales sous-tendant le phénomène de l'amorce masquée, un paradigme dans lequel une amorce est présentée entourée par deux écrans remplis de signes (ici des carrés), de mots ou de pseudos mots.
Ils ont trouvé que parmi les régions activées dans la lecture des mots consciente, le phénomène des mots masqués (qui sont donc en lecture inconsciente) activaient les zones extrastrié gauche, fusiforme et les aires précentrales. Mais même si les aires cérébrales activées sont partiellement similaires, ce qui change principalement, c'est l'intensité d'activation entre ce qui est conscient et ce qui est inconscient. Ils ont également fait attention à la position du mot dans l'espace de lecture, pour savoir si les processus étaient dépendant du contexte, ou si c'était les mots en soient qui activaient les zones.

Un mot visuel qui est présenté quelques dizaines de millisecondes reste lisible. Si par contre il est présentés proche (spatialement et temporellement) d'un autre stimulus visuel, il devient indétectable, voir invisible. C'est ce qu'on appelle le phénomène du masquage. Ce masquage permet toujours d'extraire les propriétés orthographiques, phonologiques et même sémantique du mot masqué, sans qu'on en soit conscient.
Ils ont démontré dans cette étude que les mots masqués activaient les zones extratrié, fusiforme et précentrale, et étaient accompagné par une diminution du temps de réponse et de l'intensité d'activation de ces zones par rapport aux mêmes mots présentés de manière consciente.

Ils ont fait deux expériences. La première pour étudier la réponse cérébrale face au phénomène de masquage d'un mot, et la seconde pour inclure ces résultats au milieu d'un paradigme d'amorçage de répétition. 

Méthode
En tout, ils ont fait passés les expériences à 37 sujets français droitiers. 
Dans l'expérience 1, 3 listes de 37 mots étaient créées. Les mots étaient composés de 4 lettres, étaient des noms et avaient une fréquence d'apparition de plus de 20/million. Chaque liste de mots étaient soient masqué (écrans avec des formes, avant et après le mot), soit non masqué (écrans blancs), soit utilisé comme distracteurs pour la tâche post-test de reconnaissance (où les sujets étaient présentés à tous les mots vus (masqués, non masqués) plus à des mots distracteurs, et ils devaient décider sans limite de temps s'ils les avaient déjà vus ou non) ou de reconnaissance forcée (les sujets étaient mis au courant qu'il y avait un mot masqué, ils devaient dire lequel c'était parmi la liste des mots masqués et des distracteurs). 
Les masques étaient constitués à partir de formes aléatoires.  
Les participants étaient placés dans un IRMf et faisaient un ERP. Ils ont randomisé l'ordre de présentation des mots masqués, non masqués et contrôles (des écrans blancs sans mots au milieux, et des écrans avec des formes sans mots au milieu). 

Pour l'expérience 2, 40 noms de 5 lettres, avec une fréquence de plus de 10/million ont été retenus pour une tâche de décision lexicale. La moitiés relevaient de choses faites par l'homme (train, champ, etc.) et l'autre moitiés étaient des mots naturels (fruit, arbre, etc.). On présentait aux participants un mot amorce relié ou non à une cible. La tâche était de déterminer si les mots référaient à quelque chose fait par l'homme ou naturel, il s'agissait donc d'une tâche sémantique. Ils ont également fait varier la position de présentation du stimulus (en haut ou en bas de l'écran).

Résultats
Pour l'expérience 1:
L'activation se propage du postérieur à l'antérieur
  • Les tâches comportementales montrent que les participants n'étaient pas capables de détecter, nommer ou se rappeler des mots présentés de manière masqué/inconsciente. Les mots masqués n'étaient pas non plus reconnus lors de la tâche de reconnaissance, et pas choisi lors de la tâche de reconnaissance forcée. 
  • IRMf: Les mots visibles activent les zones du gyrus fusiforme gauche, du cortex pariétal gauche, du cortex insulaire préfrontal bilatéral, du gyrus cingulaire antérieur, du cortex précentral et des zones motrices supplémentaires. Les mots invisibles, on l'a dit, activent les zones extrastrié gauche, fusiforme et les aires précentrales.
  • L'activation cérébrale était réduite pour les mots masqués par rapport aux mots visibles, et ce de manière plus forte dans les zones antérieures (éloignées du cortex occipital de la vision) que postérieur (la vision elle même). Ces résultats montrent qu'il y a comme une extinction d'activation des zones éloignés. Plus on s'éloigne de l'activation d'origine, plus il est difficile d'activer les zones, quand on est dans une situation de mots masqués. Là est l'explication de l'inconscience qui accompagne le masquage: les stimuli n'ont pas la possibilité de parcourir tout le réseau, parce que l'impulsion de départ n'est pas suffisamment forte pour entraîner tout le réseau avec elle. 
  • ERP: Le schéma de propagation d'un stimulus: une onde positive (P1, 164ms après l'onset) dans le cortex occipital --> une activation négative occipitotemporale gauche (N1, 252ms) --> une activation négative courte dans la zone centrale (N400, 340ms) --> une activation centrale positive (P3, 476ms). Les réponses étaient plus positives et plus négatives pour le visible que pour le masqué. Pour le masqué, on n'observe pas de N400 ni de P3, de plus, l'amplitude de P1 pour les mots masqué est seulement 25% de l'intensité de P1 pour les mots visibles.
Pour l'expérience 2:
  • Ils ont observé ce qu'on appelle le phénomène de "suppression de répétition" (une activation réduite des zones cérébrales quand les mots ont déjà été présentés). Ils ont regardé également quelles activations étaient dépendantes de l'endroit de présentation ou indépendantes. L'effet de suppression de répétition est indépendant de la zone de présentation.
  • Plus précisément, les zones où il y a une diminution d'activation pour cause de répétition du mot sont: le gyrus fusiforme gauche, qui s'active moins quelque soit le côté de présentation du stimulus, et sans différence entre les côtés, il est donc indépendant du contexte; le gyrus précentral gauche et droit, indépendamment du contexte; Les régions extrastriées, qui elles sont dépendantes du contexte.
Discussion
Ils ont donc identifiés un pattern d'activation en fonction du temps de plusieurs zones cérébrales, une propagation qui ne va pas aussi loin pour les mots masqués que visibles. 
En cas d'amorçage inconscient de répétition, il y a une diminution du temps de réponse à la fois de manière comportementale et biologique, les pics apparaissants plus tôt, mais on a aussi une diminution de l'intensité de l'activation. 
Ils ont trouvé le phénomène de suppression de répétition pour les amorces inconscientes, ce qui n'avait pas encore été prouvé. Celle-ci était dépendante du contexte pour le cortex extrastrié droit, mais indépendante du contexte pour le gyrus fusiforme et le gyrus précentral. Le fait que ce soit indépendant du contexte indique que ce qui est codé, c'est les propriétés des lettres, indépendamment d'autre chose. Des résultats similaires d'activations indépendantes du contexte ont aussi été observés dans d'autres études sur des images. 
Les informations spécifiques ont quand même été encodées, parce que la tâche était une tâche sémantique, et que pour cette tâche sémantique les temps de réponses étaient plus courts. 
En soit, qu'est-ce qui différencie la conscience de l'inconscience? L'intensité de l'activation cérébrale, et jusqu'où l'information se propage, dit cet article. Reste encore à savoir quelle zone est impliquée exactement dans le fait qu'un stimulus soit conscient ou non. 

Source: Dehaene, S., Naccache, L., Cohen, L., Le Bihan, D., Mangin, J. F., Poline, J. B., & Rivière, D. (2001). Cerebral mechanisms of word masking and unconscious repetition priming, in Nature Neuroscience, 4(7), 752-758

mercredi 19 janvier 2011

Koelsch, S., & al. (2004). La musique, le langage et le sens : les réponses cérébrales au traitement sémantique

La question est de savoir si la musique a du sens, c'est à dire si elle contient des informations reliées sémantiquement, par exemple à des mots, comme peut l'être un autre mot (docteur - infirmière). Ils ont donc fait une tâche d'amorçage sémantique en ayant des amorces soit linguistiques (le paradigme normal), soit musicales, et ont observé les réponses cérébrales. Il semblerait qu'en effet, on puisse retrouver les mêmes effets d'amorçage sémantique avec la musique.

Dans la littérature, il semble qu'il y ait une onde du cerveau spécifique pour les relations sémantique entre un mot et un autre, l'onde N400. Quand celle-ci s'active fortement, c'est qu'il n'y a pas de relation sémantique avec le mot présenté avant. L'amplitude de la N400 est inversement proportionnelle à la force du lien sémantique entre le mot et le contexte sémantique qui le précède. Ils ont donc enregistré cette onde avec un ERP.
Les théoriciens de la musiques, contrairement aux théoriciens de la langue, pensent qu'en effet, la musique a un sens. Ils distinguent 4 sens à la musique: 
  1. Le sens qui est créé par les liens comme le même tempo, la même dynamique, etc. 
  2. Le sens qui émerge de la suggestion d'un état émotionnel
  3. Le sens qui résulte des associations ne relevant pas directement de la musique (le fait que ce soit l'hymne d'un pays, par exemple)
  4. Le sens qui correspond à la structure de la musique, en terme de tensions, de résolutions, etc.
Matériel
Ils ont utilisé des amorces qui étaient soit des phrases musicales, soit des phrases de la langue. Ces amorces étaient soit reliées sémantiquement, soit non reliées aux cibles, qui étaient des mots (44 mots dont 22 abstraits et 22 concrets). Les 44 mots cibles étaient présentés dans 4 conditions : reliés avec une phrase, reliés avec une musique, non reliés avec une phrase et non reliés avec une musique. Les amorces étaient présentées auditivement, et les cibles, visuellement. L'ordre de présentation des amorces et des mots dans les différentes conditions était contrebalancé.

Ils ont eu en tout 122 sujets: 26 sur une première tâche comportementale, pré-test, pour évaluer le lien entre les amorces et les cibles, 24 sujets pour la première expérience ERP, 26 dans un deuxième pré-test où ils ont inclus la dimension de l'émotion, 16 dans la seconde expérience ERP, et 25 autres dans une dernière expérience comportementale, où les sujets avaient à choisir les mots reliés sémantiquement à toutes les amorces présentées dans les expériences précédentes (ce qui a reproduit les même classifications que les données précédentes). Les participants étaient des non-musiciens, et n'avaient jamais entendu les morceaux de musique avant (ce qui empêche un sens de provenir du 3ème point identifié plus haut).

Résultats

  • Une N400 plus grande est obtenue quand une amorce linguistique non reliés était présenté avant, par rapport à quand elle était reliée.
  • Une N400 plus grande a également été obtenue dans les mêmes conditions, mais pour les amorces musicales.
  • Il n'y a pas de différences significatives de régions cérébrales impliquées entre l'amorçage sémantique linguistique et l'amorçage sémantique musical (car on peut désormais parlé d'un tel phénomène). Tout se passe dans le sulcus temporal supérieur.
  • La présence d'une émotion ne fait en rien changer les réponses de N400.
  • La N400 est là même sans l'accès à la conscience d'une relation sémantique entre l'amorce et la cible.

Discussion
Dans cette étude, 3 groupes de sujets naifs, non musiciens, ont montré un effet d'amorçage sémantique avec des amorces musicales, ceci corroboré par des analyses EEG (l'ERP) qui montrent que les phénomènes cérébraux observés pour l'amorçage musical fonctionnent de la même manière et aux mêmes endroits, avec les mêmes durées, les mêmes orientations, etc. que l'amorçage sémantique classique. A savoir, on observe une onde N400 inversement proportionnelle au lien sémantique entre amorce et cible, et ce dans les mêmes régions du sulcus temporal supérieur.
L'amorçage par la musique fonctionne, que ce soit pour l'abstrait que pour le concret. Cela n'implique cependant pas que le sens présent dans la musique soit le même que dans les mots.

Même si on observe des différences comportementale dans le jugement des liens sémantique entre la musique et la langue, on n'observe pas de différence sur les N400. En tout cas, les informations portées par la musique sont encore plus importante que ce qu'on pensait avant.

En principale critique, on peut quand même dire que la musique peut faire penser à des mots qui eux seraient reliés directement aux cibles (ce qu'ils ont essayé d'éviter en ne mettant aucune musique connue, donc qui pourrait rappeler des choses), même si c'est aussi possible que ce soit directement la musique qui soit reliée, sans intermédiaire...

Il restera encore à déterminer ce qui dans la musique permet le lien sémantique...?


Source: Koelsch, S., Kasper, E., Sammler, D., Schulze, K., Gunter, T., & Friederici, A. D. (2004). Music, language and meaning: brain signatures of semantic processing, in Nature Neuroscience, 7 (3), 302-307

Dehaene, S. & al. (1998). L'imagerie de l'amorçage sémantique inconscient

A l'époque de l'article, la question se posait de savoir si les effets d'amorçage inconscients existaient réellement, et s'ils avaient donc un effet sur le comportement et sur le cerveau. Cette étude a apporté des preuves à la fois d'un changement comportemental (temps de réponse) et cérébral (ERP et IRMf). Ils ont utilisé un paradigme du masque pour créer leur matériel inconscient. 
Même si ce qu'on perçoit est inconscient, on peut aller jusqu'au traitement sémantique.

Méthode
64 paires de stimuli. Il s'agissait de chiffres, soit écrit en lettres, soit en chiffre, allant de 1 à 9 (1, 4, 6 et 9). Ils étaient présentés soit avec l'amorce et la cible écrits de la même manière (tout en chiffres / tout en lettre), soit de manière différente (amorce en chiffre - cible en lettre ou inversement).  Le temps de réponse pour les chiffres écrits en lettre est forcément plus long, mais cela n'influe pas sur l'effet d'amorçage. La tâche était une tâche de catégorisation: presser un bouton si le chiffre en cible était plus grand que 5, un autre bouton (avec l'autre main) s'il était plus petit que 5. Ils ont contrebalancé la position des boutons.

Ils ont utilisé le paradigme du masque, c'est à dire qu'ils ont placé l'amorce entre deux masques de lettres sans signification. Ils ont contrôlé que les stimuli n'étaient ni détectés ni catégorisés.

Dans une première partie, ils ont utilisé un LRP: Lateralised Readiness Potential, qui est une mesure d'ERP différencié selon l'hémisphère, on peut ainsi savoir si les réponses cérébrales observées viennent de l'hémisphère gauche ou droit. Ils avaient 12 sujets pour cette partie. Il y avait 256 essais enregistrés.
Dans une seconde partie, ils ont utilisé la même chose pour l'IRMf: le LBR (Lateralised Bold Response). Ils avaient 9 sujets pour cette partie. Il y avait 64 essais enregistrés.

Ils ont manipulé également la relation amorce-cible, celle-ci étant congruente ou incongruente, à savoir les deux chiffres amorce et cible étaient inférieurs (ou supérieurs) à 5 pour la condition congruente, et dans la condition incongruente, quand l'amorce était inférieure (ou supérieure) à 5, la cible était supérieure (ou inférieure) à 5. 

Hypothèse
Ils ont supposés que les temps de réponses inférieurs pour la condition incongruente étaient dû à une compétition de réponse entre l'amorce et la cible (ce qui est de nos jours basique). Mais pour aller plus loin, ils ont également supposé que cela était dû au fait que l'amorce était traité par le cortex comme un stimulus à part entière, et qu'il entrainerait donc à début de réponse motrice dans le cortex moteur correspondant au bouton sur lequel appuyer (si le chiffre est >5, et que le bouton >5 est à droite, on aurait une activation du cortex moteur gauche)

Résultats
Les sujets étaient en moyenne plus lents dans la condition incongruente (+24 ms). Les effets d'amorçage obtenus reflète un traitement sémantique, étant donné la nature de la tâche.
  • Les données LRP révèlent un effet significatif d'une activation du cortex moteur du mauvais côté pour la situation incongruente, mais pas d'effet significatif pour le congruent, que ce soit pour le côté droit ou gauche.
  • Les données LBR révèlent un effet significatif à la fois pour l'incongruent et pour le congruent, et répètent les même résultats que le LRP. 
Les données IRMf ici présentées sont similaires aux données ERP.


Discussion
Ces résultats montrent qu'on peut observer l'effet d'amorçage d'un point de vue neurobiologique, il y a donc une réalité biologique à ce phénomène jusque là observé d'un point de vue comportemental. En plus de ça, elle nous dit que l'amorçage ne donne pas seulement lieu à une activation perceptive, mais qu'il peut aller jusqu'à un traitement moteur et sémantique de l'amorce inconsciente.


Source: Dehaene, S., Naccache, L., Le Clec’H, G., Koechlin, E., Mueller, M., Dehaene-Lambertz, G., Van de Moortele, P. F., & Le Bihan, D. (1998). Imaging unconscious semantic priming, in Nature, 395, 597-600

Shih, J. L. & al. (2010). L'influence de la collaboration sur la performance cognitive d'enfants dans un jeu de résolution de problème : une étude comparative

Cette étude s'est intéressée au développement des compétences d'apprentissage par le jeu vidéo, en utilisant des binômes d'enfants, qui peuvent donc s'aider l'un l'autre, dans une collaboration. La collaboration aidant les enfants, autant que la stratégie, à améliorer leurs performances. Ils ont recueillis des données qualitatives, en regardant leurs résultats, ainsi que leur comportement. 

La collaboration et l'apprentissage sur un jeu vidéo
La capacité à résoudre des problèmes n'est pas innée, elle est acquise et se développe. Pour cela, la compétitivité offerte par les jeux vidéos est un grand atout. L'est également la motivation à réussir, offerte plus spécifiquement par le côté ludique des jeux, que n'ont pas les exercices basiques. Des modèles ont été proposés pour évaluer l'implication et la motivation des enfants jouant sur un jeu vidéo. Il y a dedans 8 aspects principaux, qui sont comme des indices révélateurs de la motivation: Immersion, Les interactions avec les autres, le challenge, la clarté du but, le feedback, la concentration, le contrôle, et l'apprentissage de connaissances
Les critères de réussite d'un jeu, quant à eux, sont: Le but et la tâche (qui doivent être clairs), le challenge (le jeu doit être adapté au niveau des enfants, pour pas qu'ils s'ennuient, et pour pas qu'ils soient démoralisés), l'authenticité (le jeu doit ressembler aux situations réelles pour pouvoir transférer ce qui est appris dans le virtuel sur le réel), l'explorabilité (la possibilité d'utiliser plusieurs stratégies pour arriver au but), l'interactivité (le jeu doit interagir avec les joueurs pour gagner leur confiance), le feedback (à des moments adéquat, le feedback peut augmenter la motivation), la compétition (qui stimule la motivation également), la coopération (on peut s'aider des autres joueurs pour réussir une tâche trop complexe), l'apprentissage (on doit pouvoir savoir ce qu'on a appris par le jeu).
Ils ont croisé ces critères avec ceux d'une bonne résolution d'un problème, les critères suivants étant croissant en difficulté cognitive: savoir, comprendre, appliquer, analyser, créer, et évaluer ce qu'on a fait. Ils sont rangés par niveau de 1 à 6.

Ils introduisent ensuite la différence entre collaboration et coopération: 
La collaboration, c'est quand chacun a une partie du travail à faire, et la coopération, c'est quand tout le monde travaille ensemble sur toute la tâche. La collaboration étant plus propice à un apprentissage solide et profond, en même temps qu'elle améliore la motivation.

Liu (2001) a décrit 3 niveau de résolutions d'un jeu, et sa manière de le penser: "Randomly thinking": les joueurs procèdent par essai-erreurs, ne savent pas se corriger et répètent leurs erreurs. "Heuristic thinking": les joueurs font d'abord des erreurs, mais ajustent ensuite leur réflexion pour éviter ces erreurs. "Analytical thinking": les joueurs suivent un raisonnement logique pour résoudre un problème, ils y pensent avant.

Matériel
Ils ont utilisé un jeu vidéo créé pour l'étude, qu'ils ont appelé "l'aventure de William". Il s'agit d'un jeu à plusieurs étapes. Dans chaque étape, le ou les enfant(s) doivent faire des choix, résoudre des problèmes, réfléchir, observer, se souvenir de ce qu'ils ont vu, se localiser dans l'environnement, classifier des objets, discriminer des couleurs et faire des associations entre des concepts.
Ils ont fait faire le jeu d'abord à 2 filles de 11 ans, individuellement, puis il les ont mis dans un binôme mixte, avec un garçon de 11 ans également. Ils ont contrôlé que le jeu était aussi motivant pour les garçons que pour les filles, supposant qu'il y avait une différence de genre. 
(Intéressant à noter: selon une étude de 2004 menée à Taiwan, la plupart des joueurs sont des étudiants, et 63% des enfants de 5 à 9 ans jouent à des jeux en ligne, ils sont donc bien préparés à l'utilisation d'un ordinateur)
Ils ont enregistré une vidéo des enfants et une vidéo de l'écran. 

Résultats
Une des deux fille a fait plus de tâtonnement que l'autre (en retournant plus de fois dans les mêmes lieux), mais celle-ci était par contre plus rapide. Elle était également une "heuristic thinker", à savoir qu'elle savait revenir sur ses erreurs et créer des solutions, ce que l'autre fille ne faisait pas, étant plus "random thinker". Durant la tâche en collaboration, quand elle a refait le même jeu avec un partenaire, elle l'écoutait, et lui expliquait ce qu'elle faisait, alors que l'autre fille restait silencieuse. 
C'est seulement quand les filles ont eu des problèmes que les garçons ont commencer à intervenir dans le binôme. Le partenaire de la première fille était plus efficace, parlait plus, aidait plus, et ça a permit de réussir beaucoup mieux que l'autre groupe où il y avait peu de discussions, et plus de bagarres gestuelles, sur la prise de la souris, par exemple. La bonne qualité de l'interaction a donc permit de mieux développer les capacités de résolution de problème.
Par contre, les discussions du deuxième groupe étaient plus logiques, plus ciblées, moins dispersées que l'autre groupe, ce qui est contrebalancé par le fait que le partenaire du premier groupe était plus à même de discuter, proposer des solutions et questionner le problème que le partenaire du second groupe.

Ils ont donc affirmé que les pairs avait une forte influence sur les capacités d'une personne, et que meilleure est l'interaction entre eux, meilleure est l'évolution de ces capacités. Il y a plusieurs styles de collaboration possibles, soit en restant individuel dans le groupe, en essayant chacun son tour quelque chose, soit en collaborant réellement, et c'est cette deuxième collaboration qui est la plus efficace pour le développement des compétences.

Discussion
Le design et le développement de l'apprentissage par ordinateur a donc des effets sur l'apprentissage. La collaboration également, mais cela dépend des modèles, des stratégies et de l'atmosphère de collaboration qu'il y a dans le binôme, car autant un collaboration positive et favorisant les relations de collaboration, peu importe les tempéraments des individu, est efficace pour le développement des performances cognitives, autant s'il n'y a pas d'interaction possible, chacun reste au niveau auquel il était individuellement. L'avantage est aussi que dans une bonne interaction, même ceux qui sont en retard dans l'acquisition des compétences peuvent se rattraper, aidés par leur partenaire. 
Il pourrait être également intéressant de s'intéresser au genre: l'effet de la collaboration sur un jeu vidéo en fonction du sexe. Il faudrait aussi essayer avec des garçons jouant en premier individuellement, pour savoir comment cela se passe quand ce sont eux qui prennent le contrôle (connaissant le jeu).


Source: Shih, J. L., Shih, B. J., Shih, C. C., Su, H. Y.,  Chuang, C. W. (2010).  The influence of collaboration styles to children’s cognitive performance in digital problem-solving game “William Adventure”: A comparative case study, in Computers and Education, 55, 982-993