mercredi 30 mars 2011

Hoeft, F. & al. (2008). Différences entre garçons et filles jouant à un jeu-vidéo : une observation de l'activité cérébrale méso-corticale

Les auteurs ont étudié par IRMf les activations cérébrales chez des garçons et des filles alors qu'ils jouaient à un jeu faisant appel à la spatialité. Ils ont trouvé des différences d'activations dans le système méso-cortico-limbique. Ils expliquent cela par une motivation plus importante par rapport au jeu et par rapport à la récompense qu'on peut en tirer. Ce peut aider à expliquer notamment la plus grande proportion de joueurs masculins sur les jeux vidéos, et leur prédisposition à l'addiction.
On sait déjà que les garçons sont plus aptes à la dépendance concernant les jeux vidéos que les filles. Il y a également eu quelques études sur l'effet du jeu vidéo sur l'activation du cerveau, et on a montré notamment que le striatum ventral émettait plus de dopamine quand on était performant, ainsi qu'un décroissement d'activation dans le cortex préfrontal dorsal juste en jouant.
Dans cette étude, ils ont cherché à étudier les différences entre garçons et filles.

Méthode
Ils ont étudiés 22 étudiants via un IRMf, dont 11 étaient des étudiantes. Ils ont contrôlé qu'ils étaient tous droitiers, sans problèmes psychiatrique d'aucune sorte, et qu'il n'y avait pas de différence sur la pratique des jeux vidéos quotidienne entre les garçons et les filles.
Ils devaient jouer à un jeu spatial, dans lequel on ne leur disait que de cliquer sur "le plus de balles possible". Les balles allaient d'un côté de l'écran à l'autre, toutes à la même vitesse, et de sorte que 10 balles soient toujours présentent sur l'écran. Il y avait au centre un "mur". Dans la condition contrôle, ce mur ne bougeait pas. Dans le condition jeu, il faisait diminuer l'espace disponible où cliquer à chaque fois qu'une balle le touchait, et au contraire augmentait l'espace quand il n'y avait aucune balle à moins de 100 px du mur. Le but réel du jeu (gagner le plus d'espace possible) n'était pas dit explicitement aux sujets.

Ils ont centré les résultats IRMf sur le noyau Accumbens, l'Amygdale et le cortex orbitofrontal, selon les données déjà obtenues dans les domaines de l'addiction et de la récompense.

Résultats
  • Une analyse statistique montre que les résultats ne peuvent pas être expliqués par des différences motrices entre les sexes.
  • Les garçons ont gagné au final plus d'espace que les filles.
  • Chez tous les participants, on avait des activations des zones du traitement visuel, de l'attention visuo spatiale, des fonctions motrices et des transformation sensori-motrice, ainsi que l'insula droite, le cortex préfrontal dorsolatéral droit, le cortex prémoteur bilatéral et le précunéus, ainsi que le noyau accumbens gauche et le cortex orbitofrontal droit (ces deux derniers faisant parti des régions qu'ils avaient regardé en priorité, selon leur implication dans l'addiction et la récompense)
  • Les garçons avaient des activations plus fortes que les filles dans le noyau accumbens droit et dans le cortex orbitofrontal bilatéral, ainsi que l'amygdale droite que les filles. Les filles n'ayant aucune zone plus activée que les les garçons. La connectivité entre les zones est également plus active chez les hommes que chez les femmes jouant à des jeux-vidéos, spécifiquement entre le noyau accumbens gauche et le cortex orbitofrontal, et entre le noyau accumbens gauche et l'amygdale droite.
  • En comparant les résultats par rapport à la réussite au jeu, on voit qu'il y a une plus grande activation du noyau accumbens gauche pour un jeu chez les garçons (par rapport à un non jeu, et par rapport aux filles), ainsi qu'une meilleure connexion entre le noyau accumbens et le cortex orbitofrontal. Au moment où les garçons apprennent la règle implicite du jeu, on voit une plus grande activation de l'amygdale. Au contraire, chez les filles, il y a moins de connectivité entre le noyau accumbens et le cortex orbitofrontal sur un jeu par rapport au contrôle. 

Discussion
Les activations observées sont connues pour être les mêmes que pour les systèmes de récompense et d'addiction (le noyau accumbens et le cortex orbitofrontal). Le cortex orbitofrontal code la valeur de récompense de quelque chose (c'est super de gagner à un jeu vidéo pour des garçons, moins pour des filles) et oriente l'action vers ce but, et le noyau accumbens est impliqué dans la représentation d'une récompense future (s'imaginer qu'on va gagner, et ce que ça fait). Ces zones sont également impliquée, avec l'amygdale, dans les addictions.
D'autres zones ont été également activées, correspondant à chaque fois au système de récompense ou d'addiction.
La seule différence comportementale entre garçons et filles est que les garçons sont plus capables d'apprendre le but implicite du jeu et de gagner de l'espace que les filles. L'explication est que le fait de gagner de l'espace dans le jeu a agit comme une récompense pour les garçons mais pas pour les filles.

Il est possible que les activations de certaines régions (ex: amygdale) soient dues à autre chose que le jeu (agressivité plus grande, par exemple).

Pour aller plus loin, il faudra néanmoins regarder plus en détail ce que le jeu implique comme aspects cognitifs, si on retrouve ces différences de genre sur d'autres types de jeu, regarder le comportement précis d'un sujet, et regarder des gens d'autres ages et groupes sociaux, ainsi qu'avec d'autres habitudes face à l'ordinateur.


Source: Hoeft, F., Watson, C. L., Kesler, S. R., Bettinger, K. E., Reiss, A. L. (2008). Gender differences in the mesocorticolimbic system during computer game-play. Journal of psychiatric research, 42 (4), 253-258

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