mercredi 22 février 2012

Rozencwajg & Corroyer (2007). L'analyse des processus cognitifs dans une version adaptée du test des similitudes de Weschler

Cette étude a examiné la manière dont on créait des catégories entre des mots concrets et abstraits. Créer une catégorie entre deux mots (exemple été/hiver) est le fait d'identifier ce qui les relie, sans que ce soit trop général, ni inadapté (catégorie ici : saisons). Une catégorie correctement identifiée relève d'une catégorisation taxonomique, mais d'autres types de comparaisons existent (l'été il fait chaud, l'hiver il fait froid ; c'est des temps, etc.). Il est également plus compliqué de créer une catégorie pour des mots abstraits que pour des mots concrets (mots qui peuvent se représenter avec une image), néanmoins, cette étude montre qu'il existe un lien entre les deux processus, relevant peut être d'un facteur général de l'intelligence.

Qu'est-ce que la catégorisation ? 
Elle peut être définie de la sorte (Bonthoux, Berger et Blaye, 2004) : "La catégorisation correspond à une activité cognitive conduisant l'individu à traiter de la même façon des objets différents, et donc à dépasser les spécificités au profit de la généralité." Il s'agit donc de relier des objets selon ce qu'ils ont en commun pour en créer une catégorie, un groupe général où les deux objets sont. Pour exemple, et pour ceux à qui cela parle, on pourra citer comme exemple les arbres phylogénétiques construits en biologie, qui vont du plus général au plus spécifique (voir un exemple).
Comme tâche de catégorisation, le mieux est encore de prendre le subtest des similitudes, issu des célèbres échelles de Wechsler (les tests psychologiques utilisés pour évaluer l'intelligence : WAIS et WISC). On pourrait également prendre les Echelles Différentielles d'Efficiences Intellectuelles (EDEI) qui possèdent un subtest de catégorisation également. Dans le subtest des similitudes, adressé ici aux enfants, la consigne est tout simplement de dire en quoi deux mots se ressemblent.

Il existe plusieurs niveaux de catégorisation (cf. figure), le meilleur, celui attestant le mieux de la compréhension et de l'intelligence étant le niveau taxonomique.
Le niveau taxonomique est proche du niveau général, mais celui-ci est trop général, il a sauté une catégorie pour prendre la sur-catégorie, ce qui n'est donc pas assez pertinent, mais est quand même sur la voie de la catégorisation. Le reste catégorise sur de mauvaises bases (exemple pour le schématique qui catégorise selon la relation dans le temps entre les deux mots, et non la relation sémantique. Il s'agit plus d'une représentation en mémoire épisodique). 

L'évolution de la catégorisation chez l'enfant se fait en 3 étapes, entre 7 et 11 ans, période des opérations concrètes : 
- Script : Représentation d'actions organisées par rapport à un but (ex : le chat mange la souris), représentations plus schématiques.
- Slot-fillers (cases à remplir) : Catégories taxonomiques mais contextualisées. On les obtient en changeant les éléments dans les scripts que l'on s'est construit (ex : le serpent mange le chat). 
- Catégories taxonomiques : Catégories décontextualisées, qui émergent lorsqu'un élément d'un script a été rencontré dans un autre script (ex : la souris mange du fromage).  

Les mots concrets et les mots abstraits
"La valeur d'imagerie d'un mot se définit comme le degré de facilité avec lequel les mots évoquent une image mentale. Les mots ayant une valeur élevée d'imagerie possèdent des représentations sémantiques plus 'riches' que les mots en ayant une plus faible" (Bonin, 2003). Ce degré d'imagerie d'un mot va déterminer s'il est concret ou abstrait (les mots imagés étant les mots concrets). Il existe des échelles pour évaluer l'imagerie d'un mot : Bonin et al., 2003 (en 5 points, 3 indiquant un mot concret) et Flieller et al., 1994 (en 7 points, 5 indiquant un mot concret).

Dans le subtest des similitudes, certains mots relèvent du niveau pré-opératoire, en ce sens que la similitude peut se ressentir de manière perceptive (ex : la ressemblance entre une roue et une balle, qui sont tous les deux des objets ronds). Une réponse basée sur une similitude perceptive est beaucoup plus facile (et apparait plus tôt dans le développement) qu'une similitude sur-ordonnée (d'une catégorie commune supérieure). 

Il existe également une différence entre les mots concrets et les mots abstraits. Un mot concret réfère à un objet physique, alors qu'un mot abstrait réfère plus à un concept. Trouver la catégorie sur-ordonnée entre deux mots concrets relève de l'abstraction des caractéristiques des objets auxquels ils réfèrent, alors que trouver la catégorie sur-ordonnée entre deux mots abstraits exige un raisonnement sur un contenu non matériel, donc encore plus difficile. 
On ne voit apparaitre la possibilité de faire des catégories avec les mots abstraits qu'aux alentours de 10 ans (observé grâce à une tâche de rappel, où les enfants de 10 ans ont plus de facilité à rappeler les mots abstraits catégorisables que non catégorisables, mais pas les enfants plus jeunes). 

D'un point de vue cérébral, il existe également une différence de traitement entre mots abstraits et mots concrets. Les mots concrets sont reconnus par les deux hémisphères alors que les mots abstraits ne sont reconnus que dans l'hémisphère gauche. La catégorisation des mots concrets relèverait d'un double codage (le mot verbal, comme pour le mot abstrait, mais également l'image du référent), d'où les deux hémisphères engagés. Ces données sont supportées par la neuropsychologie, où une lésion à droite empêche la catégorisation des mots concrets mais pas des mots abstraits. 

La catégorisation chez les enfants de 9 ans
Globalement, les enfants de 9 ans savent bien catégoriser les mots concrets, et un peu moins les mots abstraits. Ce qui est intéressant est que le fait de savoir catégoriser les mots concrets va prédire le fait de pouvoir catégoriser les mots abstraits : plus on est fort en catégorisation concrète, plus on sera fort en catégorisation abstraite. Au delà de ça, ces résultats montrent qu'il existe un processus commun de catégorisation des mots abstraits et concrets, alors même que ces mots ne sont pas traités de la même manière par le cerveau. 

L'intéressant également est l'analyse des types de réponses susceptibles d'être données quand l'enfant sait donner des réponses taxonomiques (cf. les types de catégorisation plus haut). Quand on arrive à faire une catégorisation taxonomique, on arrive également à faire une catégorisation générale (qui serait un peu le début de la catégorisation taxonomique, mais pas encore bien maîtrisée, car trop globale. L'enfant serait sur le chemin de l'abstraction. Ex : chien et chat sont tous deux des êtres vivants (catégorisation générale), oui, mais ils sont d'abord des animaux (catégorisation taxonomique)). Au contraire, lorsqu'on sait donner des réponses taxonomiques, on donne peu de réponses sur les différences. 
Sur les capacités de catégorisations, on obtiendrait donc une évolution de ce type : 
Différences < Schématique, Figurative, Instrumentale < Général < Taxonomique


Source : Rozencwajg, P. & Corroyer, D. (2007). L'analyse des processus cognitifs dans une version adaptée du test des similitudes de Wechsler. Psychologie et Education, 4, 25-40

2 commentaires :

  1. Dans quel ouvrage avez-vous pris votre tableau sur les différents types de catégorisation?

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  2. Bonjour,

    Il est disponible dans l'article cité en source, qui malheureusement n'est pas disponible en version gratuite sur la toile. Vous pouvez néanmoins contacter le chercheur qui a écrit cet article pour le lui demander (http://psycognitive.u-paris10.fr/membres/rozencwajg.htm)

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