L’autisme est un spectre. Cela signifie qu’il y a plusieurs degrés d’autisme, qui varient selon les capacités de l’autiste, notamment en terme de communication, de langage et d’imagination (trouver de nouvelles solutions à des problèmes, être curieux de découverte, etc.). Les problèmes de communication étant parmi les plus importants chez les autistes, il est important de comprendre leur origine. Il semblerait que ce soit lié à des problèmes dans le traitement de la forme « verbale » spécifiquement, non pas au niveau perceptif, mais au niveau du contrôle de l’attention et du traitement du langage en soit.
Un problème de théorie de l’esprit, mais pas seulement
Pendant très longtemps, la théorie de l’esprit a été la meilleure explication cognitive des déficiences des autistes. Aujourd’hui, la recherche évoluant, on s’intéresse à d’autres causes possibles. Cela n’enlève bien sûr pas l’explication que peut apporter la théorie de l’esprit sur cette pathologie, mais cela complète la compréhension des déficits.
La théorie de l’esprit (ou Theory of Mind - ToM - en anglais) est une théorie interne que chacun possède dès l’âge de 4 ans, et qui permet notamment de se mettre à la place de quelqu’un d’autre, de lui attribuer des croyances, d’avoir de l’empathie ou simplement de l’imiter. Pour savoir si une personne possède ou non cette théorie de l’esprit, on procède au test de « Sally et Ann » (cf. figure) : Sally et Ann sont dans une pièce, Sally place une balle dans un panier et sort de la pièce. Pendant qu’elle est sortie, Ann prend la balle et la place ailleurs, dans une boite. Sally revient. On demande ensuite où Sally va chercher la balle, et où est vraiment la balle. Quelqu’un possédant une théorie de l’esprit pourra se « mettre à la place » de Sally et savoir ainsi que, même si lui a vu que la balle avait bougé, Sally n’a pas pu le voir, et en déduit donc la fausse croyance de Sally comme quoi la balle est restée dans le panier.
Le test de Sally et Ann, mesurant l'acquisition de la théorie de l'esprit |
Les résultats obtenus sur de nombreux autistes montrent qu’ils ont des problèmes de théorie de l’esprit. En effet, ils répondent que Sally va chercher la balle dans la boite. Néanmoins, avant de conclure que la théorie de l’esprit explique l’autisme, il faut rappeler que certains autistes réussissent quand même à cette tâche, et que certaines personnes saines peuvent échouer (avant 4 ans, par exemple, ou ceux qui présentent des problèmes perceptifs). De plus, on peut désormais diagnostiquer l’autisme dès 18 mois, grâce aux comportements de l’enfant vis-à-vis du jeu (ils n’ont pas de prétention à jouer) ou vis-à-vis de leur regard atypique. A 18 mois, il est normal qu’un enfant ne possède pas de théorie de l’esprit.
Un problème spécifique vis-à-vis du langage : les aires verbales atrophiées et une attention orientée vers le non verbal
Des études d’imagerie ont montré que le cerveau des autistes présentait une asymétrie particulière, qui était différente de la structure normale du cerveau, et ce notamment dans les aires dédiées au langage (dans l’hémisphère gauche du cerveau). Ce pattern est similaire à celui d’enfant présentant un déficit spécifique du langage (Specific Language Impairment -SLI-). Cette asymétrie serait due à la perte d’un gène, dans ces deux déficits.
Il est intéressant également de remarquer que l’autisme est à nouveau large, car certains autistes présentent un QI verbal et non-verbal faible, d’autres n’ont que le QI non-verbal de faible, et d’autres encore sont considérés comme normaux à la fois sur le QI verbal et le QI non-verbal. Néanmoins, il a été montré une corrélation directe entre le niveau de QI verbal et la profondeur des troubles autistiques.
Cette zone cérébrale pourrait non seulement être atrophiée à cause des gènes, mais également à cause d’une mauvaise stimulation auditive. C’est-à-dire que les autistes ne traiteraient pas les sons de la même manière que les autres. Cela ne vient pas d’une déficience perceptive, car ils sont totalement capables d’entendre des sons, mais ils ne sont pas sensibles aux sons du langage, qui ont une forme particulière (qui les fait procéder dans un réseau cérébral spécifique par rapport aux autres sons, du moins en partie). Les autistes ont du mal à extraire l’information verbale d’un stimulus auditif. En conséquence, ils ont du mal à solliciter spécifiquement les zones du langage, et à entrer en communication, ce qui peut encourager l’atrophie des zones du langage. Des différences de perception du son ont été trouvé chez les autistes : certains ont une hyperaccousie (ils perçoivent les sons de manière très, voir trop, précise), d’autres ont des déficits mineurs, comme une asymétrie dans le pattern d’activation du système olivocochléaire, qui participe de la perception du langage « parlé par le nez ». La perception des sons, et notamment du langage, étant un facteur essentiel à l’orientation de l’attention, les enfants ne pourraient pas avoir une bonne attention pour les stimuli langagiers, et en conséquence, n’apprendraient pas le langage (cf. schéma). Au niveau perceptif pur, néanmoins, les autistes entendent très bien. Ils ont juste des problèmes pour discerner le langage des autres sons, et donc d’orienter leur attention vers ce type de stimuli.
On pourrait donc représenter cette théorie par le schéma suivant :
Source : Siegal, M., & Blades, M. (2003). Language and auditory processing in autism, TRENDS in Cognitive Science, 7 (9), 378–380.
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A lire également à propos de l'autisme :
L'énigme de l'autisme : la piste bactérienne (Documentaire Arte)
Dapretto, M. & al. (2006). Comprendre les émotions des autres : les dysfonctionnements des neurones miroirs chez les autistes
Les surdoués de la créativité - Documentaire Arte: Voyage au centre du cerveauA lire également à propos du traitement du langage :
Tillmann et al. (2010). Influence du contexte sur le traitement en musique et en langage
Specht & al. (2005). Le "soundmorphing", une nouvelle approche pour étudier la perception du langage chez l'homme
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