vendredi 24 septembre 2010

Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de mozart - Voir les sons

 On continue sur les articles de ce livre, avec le chapitre suivant, qui parle de la manière dont nous nous représentons les sons à l'esprit. 

Les synesthésies
Un exemple pour le moins éloquent entame le chapitre: comment les sourds peuvent ils ressentir la musique? Il y a eu une invention ingénieuse par le père Castel: le clavecin oculaire. Le principe est simple: on adapte pour chaque note une couleur, de sorte à créer une œuvre colorée en jouant de la musique... L'anecdote est plus amusante qu'autre chose, mais elle introduit bien le propos. 
En langage neuropsychologique, on appelle cela une Synesthésie: "association à une sensation d'une sensation supplémentaire dans une autre catégorie sensorielle" (p. 161)
 
On nous donne l'exemple de 10 femmes sans maladie cérébrale, mais qui voient pourtant apparaitre en lettres colorées leur nom quand elles entendent certains mots. Tout le reste ne provoquant pas de synesthésie... 
Curieusement, de telles synesthésies n'activent pas les aires visuelles, mais le cortex temporal supérieur et médian (langage) et les aires temporale postérieure, inférieur (aire 37 impliquée dans le lien entre perception de mots et représentation en image dans le cerveau), et le lobe pariéto-occipital. Elles activent aussi le cortex insulaire droit, temporal supérieur et préfrontal.

Entendre une partition
Il n'est pas donné à tout le monde d'entendre des sons juste en lisant une partition, c'est pourtant ce que peuvent faire les musiciens. 
Exemple neuropsychologique: Lésion temporale postérieure gauche (chez un musicien professionnel)
Syndrome: 
  • Hémianopsie: ne voit plus une moitié du champ visuel (normal avec une lésion temporale gauche)
  • Alexie: ne peut lire ni un livre, ni une partition. Ne peut pas non plus écrire.
  • Pas d'Amusie: Peut chanter et parler correctement, reconnaître des musiques connues, comprendre ce qu'il entend, etc.
  • Ne peut pas dire le nom des notes qu'il chante.

Autre cas neuropsychologie: Lésion temporale supérieure gauche
Syndrome:
  • Agraphie : ne peut plus écrire.
  • Alexie musicale pure: ne peut plus lire la musique.
  • Pas d'Amusie réceptive ni expressive: reconnaissait que ce qu'il entendait ou produisait était de la musique.
  • Pas d'Aphasie: peut parler correctement.
 Fonctions identifiées dans les zones du cerveau:
  • Gyrus angulaire gauche (pli courbe) = écriture et lecture de la musique. Egalement présente dans la lecture, l'écriture et le calcul.
  • Région temporale postérieure et inférieure gauche = reconnaissance visuelle des formes des lettres.

Percevoir la musique
Percevoir la musique = reconnaître que ce qu'on entend est de la musique + reconnaître plus ou moins les qualités des sons + identifier ce que l'on perçoit (donner un nom, etc.) (proposé par l'auteur, aujourd'hui obsolète, mais l'idée est là de voir la différence entre ce qui fait qu'un son est musical et un autre non)

1ère étape: Transduction (la cochlée transforme les fréquences de sons en potentiels d'action pour les neurones) + analyse spectrale des sons complexe et regroupement selon les sources sonores

2ème étape: Extraction des attributs perceptifs (on identifie les caractéristiques du son qui nous parvient, le timbre, la hauteur, le rythme, les séquences, etc.)
Chose étrange, dans cette étape, l'oreille peut "inventer" des sons pour compléter ceux qu'elle perçoit. Par exemple, si on perçoit un ensemble de fréquence complexes composés de plusieurs harmoniques, par exemple une tierce et une quinte, l'oreille va reconstruire la fondamentale, même si elle n'est pas présente. Ce phénomène est dit des Sons Résultants. 
(segmentation du flux auditif (ce qui nous arrive à l'oreille) en groupe d'évènements --> identification du rythme, les alternances de temps forts et faibles --> réduction des segments temporels (on met en avant certaines sections et on en écarte d'autres) --> réduction prolongationnelle (on construit la musique entière, en sachant ce qui devrait venir après, etc.))

Selon sa position, une note va être plus ou moins saillante, c'est à dire plus ou moins forte par rapport aux autres, il y a une hiérarchie dans les notes les unes par rapport aux autres. Ce phénomène interne au cerveau pourrait expliquer pourquoi on a partagé la gamme avec toujours les mêmes temps forts qui reviennent: fondamentale, tierce, quinte. 

De plus, la musique peut provoquer du plaisir, car elle active le système limbique, l'amygdale et de manière générale plus le cerveau droit que gauche. Il y a une sécrétion plus importante de Dopamine dans ces zones, la dopamine étant considérée comme le neurotransmetteur de la récompense. L'auteur évoque également le plaisir qui pourrait résulter de l'identification de l'œuvre, du fait de pouvoir le replacer dans une œuvre pour mieux en comprendre les subtilités, etc. (mais je n'adhère pas au fait que "penser la musique" plutôt que de l'écouter soit vraiment un plaisir musical, c'est un plaisir de masturbation intellectuelle appliquée à un morceau de musique, rien de musical là dedans que l'objet, la réaction serait la même pour n'importe quel autre objet...)

Conclusion
Il y a une différence entre la lecture d'un livre, où on entend les mots dans sa tête, et la lecture d'une partition, où on peut entendre les sons dans notre tête (si on est entraîné à lire la musique). Il semblerait que la lecture de la musique soit spécifique du lobe temporal supérieur gauche (comme le montre le cas neuropsychologique), mais les données ne sont pas claires (on ne nous dit pas s'il sait lire ou pas un livre). En tout cas, la lecture de l'un et de l'autre est quand même proche, et située dans une zone similaire: le lobe temporal postérieur et inférieur et le gyrus angulaire gauche.
Il existe notamment des phénomènes où on voit des images en entendant des sons. On appelle ce phénomène synesthésie mais il semble peu répandu.

Autrement, de manière générale, percevoir la musique nécessite deux grandes étapes: la transduction et l'extraction des attributs perceptifs spécifiques à la musique. 

Quoiqu'il en soit, la musique sera toujours un élément pour prendre du plaisir, et ça, c'est maintenant prouvé, la musique déclenche une augmentation de Dopamine (neurotransmetteur de la récompense) dans le système limbique et l'amygdale, centres des émotions! Alors faites travailler vos zones limbiques avec une belle chanson: Blue boys tune - BB King


Source: Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de Mozart. Odile Jacob: Paris

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