Existe-t-il des prédispositions à la musique dès la naissance ? Qu'est-ce qu'un bébé peut faire face à une musique ? Percevoir les tons, chanter, identifier les notes, ressentir les émotions ? Les résultats montrent que les bébés peuvent traiter la musique comme les adultes. Dès les premiers mois de la vie, un bébé est capable de faire des liens entre les patterns temporels entendus et la tonalité induite, par exemple. Ils reconnaissent une mélodie quand la tonalité change, mais que les intervalles restent identiques, idem pour un changement de tempo, tant que le rythme reste inchangé. Ce qui compte, dans tout ça, c'est le contour de la mélodie, c'est ce qui est le plus saillant pour les bébés. Parfois même, les enfants sont plus doués que les adultes : pour détecter des intervalles très fins ou des figures rythmiques ou des gammes complexes (càd pas forcément de la musique occidentale). De plus, les bébés sont plus attentifs aux musiques maternelles.
Les prédispositions à la musique : processus de sélection naturelle ?
Est-ce que la musique est une capacité innée de l'humain ? L'explication évolutionniste à la Darwin ne tient pas énormément (selon S. Pinker en tout cas) : la musique ne sert à rien pour la sélection naturelle, la prédiction de dangers ou quoique ce soit qui ai pu amener à une sélection naturelle... Néanmoins, G. Miller pense le contraire : La musique est présente dans toutes les cultures, à n'importe quelle époque, elle est donc universelle. De plus, les compétences musicales se développent toujours de la même manière, et jusqu'à un niveau plutôt élevé. On dispose également d'une mémoire spécialisée pour la musique, et de zones cérébrales dédiées. Dans d'autres espèces, on retrouve ce pattern, notamment les espèces qui communiquent en "chantant" (oiseaux, baleines, etc.), ce qui amène à penser un développement commun, et enfin le lien avec les émotions, ce qui implique une certaine adaptation. Enfin ces raisons ne nous expliquent pas réellement pourquoi nous aurions été sélectionnés pour nos capacités musicales, quand bien même celles-ci sont très développées. L'explication la plus plausible qui a alors été avancée est celle de la sélection sexuelle : par le chant, comme pour d'autres espèces, l'homme attire la femme et inversement (pour preuve : l'homme chante 10 fois plus qu'une femme, comme pour faire sa court). Ici pourrait se trouver l'explication recherchée de l'innéité de la musique...
Comment évalue-t-on les prédisposition d'un bébé ? Un protocole est souvent utilisé : l'orientation de la tête vers le stimulus préféré, que l'on présente d'un côté ou de l'autre. C'est présent dans de nombreuses études sur les bébés, et nous ne nous attarderons pas là dessus. Sachez seulement que cela permet d'enregistrer les préférences, les traitements de l'enfant, sa rapidité, et beaucoup d'autres informations.
Voici quelques exemples de prédispositions de l'enfant :
- Le traitement des relations de tonalité et de durée : Leur perception des fréquences, du temps et du timbre est même meilleure que nécessaire. Les enfants sont capables de faire les groupements nécessaires et essentiels au traitement de la musique (ex : identifier un thème en regroupant toutes les notes qui le compose). Lorsque la tonalité change, ou le tempo change, mais pas les intervalles ou le rythme, les bébés, comme les adultes, arrivent à reconnaitre la mélodie, ce qui montre qu'ils se centrent sur les relations entre notes plutôt que sur chaque note de manière absolue. Ils peuvent s'intéresser aux caractéristiques absolues (ex : observer un changement d'un demi-ton quand tout est dans la même tonalité), mais cela leur demande un plus grand effort, et quand la tâche devient trop compliquée (ex : la même chose quand c'est dans deux tonalités différentes), ils se recentrent sur les caractéristiques relatives. De manière néanmoins étonnante, ils peuvent identifier ces changements même lorsque l'on met des distracteurs troublant la tonalité, qu'on sépare les mélodies de 15 secondes, etc. Les bébés, comme les adultes, se basent donc en priorité sur le contour tonal.
- Le traitement des intervalles : Chez les adultes, on retient de manière très précise les intervalles, même si la tonalité et les notes en elles-même ne sont pas mémorisées (cela entraine, par exemple, des différences de tonalités d'environ 1 ton et de tempo d'environ 8% lorsque l'on rechante une musique que l'on connait pourtant bien). Les enfants arrivent, de leur côté, à extraire des changements d'intervalles pour n'importe quelle mélodie tonale. Pour les autres musiques, ils n'y arrivent pas. Est-ce là un processus d'accoutumance pré-natale à la musique de la culture, ou une réelle universalité des tons de la musique tonale occidentale ? Tout comme les adultes, les enfants et les bébés arrivent mieux à reconnaitre les intervalles avec des "ratios" faibles qu'élevés (le ratio d'un octave est de 2:1, d'une quinte 3:2 et d'une quarte parfaire 4:3, un triton est de 45:32 par exemple), c'est ce qu'on appelle la sensibilité aux intervalles consonants plutôt que dissonants (qui affectent aussi les émotions et l'attention des enfants).
- Le traitement des structures de gammes : L'octave se divise la plupart du temps en 7 tons. Les tons ne sont pas tous égaux (exemple entre si et do, il n'y a qu'un demi-ton). La musique tonale semble être universelle, ou quasi-universelle, surtout pour la gamme majeure, qui est même codée de manière innée dans le cerveau du bébé. Un bébé est là plus fort qu'un adulte, car il sait également traiter n'importe quelle gamme avec des intervalles inégaux (où il y a un demi-ton quelque part) plus facilement que les adultes, qui ont tellement été confronté à la gamme majeure, que cela a fait disparaître les prédispositions pour le traitement des autres gammes inégales. Pour les gammes faites d'intervalles toujours égaux, par contre, cela n'est naturel pour personne, enfant comme adulte. Le traitement des mélodies dans des tonalités proches est meilleur chez les bébés que chez les adultes (ex : un bébé traite mieux deux mélodies qui ont un ratio de 3:2 (jusqu'à la quinte) de différence, ce qui disparait chez les adultes au profit des liens plus proches).
- Le traitement des rythmes : Les enfants peuvent identifier que deux mélodies sont les mêmes à la base si le contour tonal est le même, mais le rythme change, tout comme les adultes. Il existe une prédisposition pour les rythmes marqués, qui disparait un peu avec l'âge. De même que pour les tons, des changements avec des ratios faibles sont plus simples.
Hormis ces prédispositions sur les facultés, on trouve également une latéralisation cérébrale présente dès la naissance. Chez l'adulte, la latéralisation est évidente, on sait maintenant que chez le bébé, c'est la même, et qu'elle est donc innée. La préférence est telle qu'il y a une préférence pour le langage sur l'oreille droite (traitée par l'hémisphère gauche), et pour la musique sur l'oreille gauche (traitée par l'hémisphère droit). Il y a également une prédisposition à traiter le contour mélodique par l'hémisphère droit et les intervalles par l'hémisphère gauche.
Faut-il que les mères chantent à leurs enfants ?
Quand une mère chante à son enfant, ce n'est pas comme quand elle parle, voir même quand elle chante habituellement. Son chant est plus haut (tonalité plus élevée, d'un demi-ton, ce qui reste quand même moins que pour la parole adressée à l'enfant), plus lent (tempo), plus émotif (dans la qualité de la voix) et plus articulé. Cela fonctionne également pour les pères, et pour les frères et soeurs. Leur chant est également plus stable : elles chantent toujours de la même manière (moins de différence de tonalité, ou de tempo que pour les autres types de chant).
De leur côté, les enfants font beaucoup plus attention à ce style particulier de chant qui leur est adressé, ils le préfèrent à n'importe quel autre message, même la voix de leur mère quand elle est seulement parlée. Ils préfèrent quand le chant est plus rapide.
Donc oui ! Chantez à vos enfants, que vous soyez mère, père ou frère/soeur; cela ne peut que les aider à se développer, ils aimeront et cela vous rapprochera !
Source : Trehub, S. E. (2001).Musical predisposition in Infancy. Annals of the New York Academy of Science, 930, 1-16.
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