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vendredi 6 janvier 2012

Tillmann et al. (2010). Influence du contexte sur le traitement en musique et en langage

Le contexte désigne le fait que d'autres signaux précèdent le signal à traiter. 
L'effet du contexte désigne le fait que le traitement de ce signal est influencé par ce qui a été entendu auparavant.
Les deux faits sont connus principalement en psychologie linguistique, mais qu'en est-il de la musique ? La linguistique et la musique procèdent tous deux de phénomènes oraux, et sont traités par des zones similaires. Comment alors utiliser le paradigme d'amorçage pour mieux comprendre la musique ? Qu'est-ce que chaque domaine a à apporter à l'autre ?
Les auditeurs, quels qu'ils soient, ont toujours des connaissances (implicites ou explicites) sur les régularités qu'on trouve dans la musique, dans sa structure surtout. Entendre un contexte (le début d'un morceau, un accord ou une note) va réactiver ces connaissances, comme dans n'importe quel phénomène d'amorçage, et provoquer des attentes quant à ce qu'il est plus probable d'entendre à la suite du contexte, des attentes qui vont faciliter ou inhiber le traitement cognitif de l'événement futur. 

Le paradigme d'amorçage
Il s'agit d'une méthode d'investigation indirecte qui permet d'étudier l'influence des attentes perceptives sur la vitesse et la précision de traitement d'un événement. Dans les expérimentations, l'avantage de cette méthode est qu'elle est indirecte, c'est à dire qu'elle permet d'étudier un phénomène sans que la personne n'en soit consciente. La personne effectue par exemple une tâche de décision lexicale (dire si ce qu'elle entend est un mot ou pas) pendant que les temps de réponses sont enregistrés. C'est sur les temps de réponse que l'on pourra interpréter la facilitation ou l'inhibition due à une activation d'un contexte lié avec une cible (ex : une mélodie qui va annoncer un accord plus qu'un autre). En musique, on n'utilise pas une tâche de décision lexicale, mais une tâche de consonnance/dissonance (dire si un accord sonne "juste" ou "faux"), ou une tâche d'identification de timbre (accord joué par instrument B ou A?) ou une identification de syllabes quand on utilise le chant (dire si c'est chanté sur du /di/ ou du /du/).

Effets d'amorçage en contexte court
On a vu que le contexte était ce qui précédait un signal à traiter. Ce contexte commence même s'il ne s'agit que d'un mot ou d'un accord. C'est ce qu'on appelle le contexte court. On manipule la relation entre le contexte (dit amorce, d'où le nom de paradigme d'amorçage) et le signal à traiter (dit cible).
On a pu observer en linguistique (quand l'amorce est un mot) que les relations de type sémantique (un sens commun) facilitent le traitement de la cible. C'est également le cas, de manière encore plus forte, lorsque l'on répète deux fois le même mot en amorce et en cible.

Théorie explicative (Collins et Quillian, 1969) : les connaissances forment un réseau de relation sémantiques. Chaque concept sémantique (mot) est représenté en mémoire par une unité (nœud) relié à d'autres unités proches. La présentation d'un concept va donc, par le principe de Hebb, activer fortement les concepts proches, directement reliés, et un peu moins les concepts plus éloignés. Il peut aller jusqu'à inhiber les concepts qui sont trop éloignés. Réactiver un même concept (la répétition) est donc ce qui sera le plus fort car aucune force d'activation ne se sera perdue de proches en proches.

Ce qui fonctionne pour les mots fonctionne de la même manière avec les accords en musique. La seule différence est que la relation sémantique (on entend par là en musique des accords qui sont dans la même tonalité et ont plus de probabilité d'arriver, comme le couple V-I, sol-do, par exemple) est plus forte que la répétition d'un même accord.

Effets d'amorçage en contexte long
Utiliser non plus des mots mais des phrases entières est important car cela permet de se rapprocher de la réalité (situation écologique). Randomiser l'ordre des mots dans la phrase contexte faisant diminuer les effets d'amorçage, on est obligé d'admettre que la phrase (sa syntaxe et son sens global) influe sur le sens du mot cible, plus qu'un seul mot relié sémantiquement. Ces résultats se retrouvent pour la musique, où le contexte long est constitué soit par une suite d'accord soit par une mélodie qui installe une tonalité (de sorte qu'on s'attende plus à avoir les notes dominantes dans cette tonalité, la tonique, par exemple)

Amorçage par répétition : Langage vs Musique
Amorçage par répétition : le fait que le traitement d'un événement qui a déjà été traité précédemment est facilité par rapport au traitement d'un nouvel événement non répété. Dans un contexte court et en langage, l'amorçage par répétition surpasse tout le reste : tous les mots sont plus faciles à traiter pour une seconde fois. Cet effet dure longtemps (jusqu'à 16 essais après le mot amorce).
Curieusement, cet effet fort de la répétition ne se retrouve pas dans la musique. Dans la musique, il semble que les relations sémantiques surpassent tout autre type de lien. Cela est normal, si on réfléchit à la structure de la musique : deux accords s'enchainent rarement, on entendra plutôt un accord relié (tonique, etc.). Ces résultats sont valables à la fois en contexte court et long, où, dans tous les cas, l'amorçage par répétition est inférieur.
Intérêt de la comparaison entre l'amorçage en langage et en musique
La comparaison des résultats issus du langage et de la musique a permit de comprendre cette différence observée : lorsque le contexte est suffisant, on s'attend plus à un lien sémantique qu'à une répétition. Un accord est suffisant pour induire un contexte, un mot, non, parce que les accords ont l'habitude d'être reliés (Sol-Do s'entend souvent, il s'agit de l'enchainement de la cadence parfaite V-I).

Effets de contexte : effets de facilitation ou d'inhibition ?
Globalement, on observe un effet de facilitation pour les mots reliés, et pas d'effet pour ce qui n'est pas relié, sauf si les mots ou les accords ne sont tellement pas reliés qu'ils inhibent le traitement (un mot qui n'a rien à voir, ou un accord hors tonalité, c'est à dire opposé sur le cycle des quintes).

Corrélats neuronaux des effets de contexte en langage et musique ?
En ce qui concerne le langage, on a identifié des ondes cérébrales (par EEG) qui répondent aux violations syntaxiques : Early Left Anterior Negativity ELAN (P600). On a la même chose pour les violations sémantiques (N400). Comment interpréter ces noms (P600 et N400) : N ou P est pour Négatif ou Positif. Une onde positive est le signe d'une activité cérébrale plus forte que la normale, indiquant une activation. Une onde négative est le signe d'une activité cérébrale plus faible que la normale, indiquant une inhibition.
En musique, on a également identifié des ondes ERAN (idem que ELAN mais à droite, cette fois-ci) : P300, P600 et N5. L'onde P300 apparait plus élevée notamment quand on a deux accords non reliés qui se suivent par rapport à quand ce sont deux accords reliés.

La violation syntaxique des mots est repérée notamment par le gyrus frontal inférieur gauche et droit (un peu plus à gauche néanmoins). On a également une activation plus forte de l'opercule frontal gauche en cas de violation syntaxique. Curieusement, les mêmes zones sont activés avec les violations musicales ! En musique, on a juste des zones qui s'ajoutent à celles déjà vues, en cas de violation : des régions temporales supérieures (gyrus temporal supérieur antérieur, gyrus supérieur postérieur, et gyrus médium) et des régions pariétales droites (gyrus supramarginal).

Interaction entre les effets de contexte en musique et en langage : syntaxe - sémantique
Des cas en neuropsychologie ont montré une double dissociation entre le traitement de la musique et du langage, d'où une indépendance de traitement entre musique et langage. D'autres études ont pourtant montré que les deux processus étaient liés dans une certaine mesure (comme on peut déjà le voir avec les corrélats neuronaux).
Ils ont de plus remarqué une interaction entre ces deux processus : le traitement de la musique influence le traitement du langage. Le résultat trouvé est que l'effet d'amorçage sémantique était plus fort pour les mots cible chantés sur l'accord de tonique (cible congruente en musique) que pour ceux chantés sur l'accord de sous-dominante (cible moins attendue). Cela se traduit par un temps de traitement plus court des mots quand ils sont présentés en même temps qu'un accord cible congruent. Cela nous indique déjà un indice de la manière dont l'environnement sonore peut faciliter le traitement des informations. On explique cela en terme de ressources attentionnelles partagées.
L'effet est surtout présent sur les relations syntaxiques, les structures musicales entendues modulent le traitement syntaxique, mais le traitement sémantique de mots présentés visuellement. C'est surtout sur le point de la syntaxe que le langage et la musique partagent leurs ressourcent attentionnelles et cognitives. (Hypothèse SSIRH - Shared Syntactic Integration Resources Hypothesis)


Source : Tillmann, B., Hoch, L., Marmel, F. (eds.). Influence du contexte sur le traitement en musique et en langage. In R. Kolinski, J. Morais & I. Peretz (2010). Musique, Langage, Emotion : approche neuro-cognitive. PUR : Rennes, 11-33

vendredi 22 avril 2011

Marcel, A.J. (1983). Conscious and Unconscious Perception: Experiments on Visual Masking and Word Recognition

Dans la première expérience, ils ont fait passer des mots masqués en amorçage, et ont demandé soit une tâche de détection, soit une tâche graphique, soit une tâche sémantique. Au fur et à mesure que le temps entre l'amorce et la cible diminuait (SOA), on voyait une disparition de la détection, puis du graphique, puis du sémantique. Dans l'expérience 2, ils ont contrôlé que le choix était passif, et qu'il n'y avait pas de stratégie, en refaisant la même chose mais en regardant bien que le graphique ne pouvait pas aider à la reconnaissance sémantique et inversement. Dans l'expérience 3, il s'agit de faire une tâche de Stroop avec un amorçage inconscient de la couleur du mot, ou d'une couleur incongruente. Dans l'expérience 4, ils ont modifié le type de masquage, et dans l'expérience 5, ils ont observé un possible effet facilitateur lorsque l'amorce était répétée plusieurs fois.
 Le premier principe auquel ils se réfèrent, central en perception à l'époque, est le principe d'identité, selon lequel les représentations de l'information consciente sont les mêmes que celles qui découlent des sens et de la motricité.
Le deuxième principe est celui du la microgénèse perceptive, qui correspond au fait qu'un percept n'est pas instantanément un percept, mais qu'il passe par plusieurs étapes d'intégrations et s'unifie petit à petit. Au départ, un percept n'est pas une unité, et n'arrive pas directement aux zones corticales...
On voit également apparaitre le modèle hiérarchique de la perception (discuté dans l'article précédent de Shamma, 2008) comme quoi on commence par percevoir les caractéristiques de haut niveau (globales) pour ensuite voir les caractéristiques de bas niveau (précises). Cette théorie est dérivée de l'idée de microgénèse perceptive, comme quoi il y aurait un processus temporel d'accès à l'information perceptive. En conséquence, on peut donc dire que le fait qu'un mot soit un mot vient plus vite que le fait qu'il soit composé de telle ou telle lettre (le global avant le précis).
Le principe du masquage placé après l'amorce est justement là pour stopper la course de la perception et donc empêcher sa reconnaissance. Du coup, les participants sont encore capables de dire qu'il s'agit d'un mot mais sans reconnaitre les lettres à l'intérieur (le côté graphique testé).

Expérience 1 

Dans cette expérience, ils ont essayé de voir quelles informations sur les mots étaient accessibles, en faisant varier les SOA (temps entre le début de l'amorce et le début de la cible). Ils ont regardé la détection, les caractéristiques graphiques et le sens sémantique.

Méthode
24 sujets, 240 mots de 4 à 8 lettres. Ils ont choisi les mots de sorte que la moitié soit similaire graphiquement entre l'amorce et la cible, et de sorte que la moitié soit relié sémantiquement.
Dans un premier temps, il faisaient une tâche de détection pour déterminer le seuil de perception en terme de SOA où il y avait moins de 60% de détection, et ils calibraient l'expérience en variant le SOA entre 5 ms au dessus de leur seuil  de détection et 20 ms en dessous, de 5ms en 5ms. Pour chaque SOA, il y avait 120 essais, dont 40 de chaque type de décision.

Résultats
La première observation est que le seuil de détection est extrêmement variable selon les participants. 3 sujets ont refusé faire des jugements de catégorisation et des jugements graphiques sur ce qu'ils ne percevaient même pas. Ils ont également écarté les sujets utilisant une stratégie de réponse, pour au final ne garder que les participants "passifs".
  • Les performances graphiques et sémantiques étaient meilleures que les performances de détection pour tous les sujets passifs, mais pour aucun sujet stratégique. 
  • Avec la réduction du SOA, on voit une diminution des performances, d'abord sur la détection, ensuite sur le jugement graphique, et enfin sur le jugement sémantique. Quand il n'y avait plus de détection possible, il y avait toujours entre 80 et 100% de jugements graphiques et sémantiques corrects. Quand les jugements graphiques tombaient à 60-70% de correct, il restait encore 80% de jugements corrects sur le sémantique. 

Expérience 2

Dans l'expérience 1, on a vu que le jugement graphique et sémantique était encore possible quand la détection consciente ne l'était plus. On a vu également qu'il était possible d'avoir une stratégie et ainsi de biaiser les résultats, qui ne montraient alors plus de différence entre ces aspects.
Une hypothèse intention sélective peut être émise: les participants font ce qu'on leur demande, c'est à dire juger le graphique ou le sémantique du mot masqué. Mais on peut émettre aussi l'hypothèse d'une réponse orientée, où il y aurait une reconnaissance des caractéristiques communes entre l'amorce et une des cibles du choix forcé, et donc que la réponse tendrait vers le mot dans le choix forcé qui ressemble le plus, de manière automatique, et orientée avant le choix même.
Ils ont donc changé les mots du choix forcé en les faisant varier négativement avec le graphique ou avec le sémantique. C'est à dire que cette fois, il y avait un mot qui ressemblait visuellement (graphique), et l'autre ressemblait sémantiquement. Les effets disparaitraient alors si c'est l'hypothèse de réponse orientée qui est valide, et il n'y aurait pas d'influence si c'est l'hypothèse d'intention sélective.

Méthode
Les participants étaient les sujets passifs de l'expérience 1. Ils ont donc utilisé en mot cible soit un mot proche graphiquement (selon un coefficient calculé), soit proche sémantiquement. Ils ont pris un seuil de 10ms sous le seuil de détection. Il y avait 20 essais de choix forcé.

Résultats
Ils ont observé cette fois-ci une prédominance de l'information graphique, qui était plus solide que l'information sémantique, alors qu'ils ont trouvé l'inverse dans l'expérience 1.
L'idée est que l'information graphique est plus importante que l'information sémantique, seulement quand les deux sont disponibles, mais que quand c'est ou l'un, ou l'autre, le sémantique persiste plus longtemps à de courts SOA.

Expérience 3


Certaines critiques ont montré qu'une mesure directe était insuffisante pour les expériences en inconscient. Le choix forcé étant un choix direct, il a fallu recueillir les temps de réponse, donnée indirecte, pour confirmer les résultats.

Méthode
6 participants, Ils ont déterminé les SOA critiques de la même manière que pour les autres expériences, et ceux-ci allaient de 30 à 80ms. Ils ont fait 4 conditions, selon que la couleur (on utilise cette fois-ci une copie de la tache de Stroop, en inconscient) arrive en même temps ou 400 ms après le mot, et selon que le masque soit présenté de sorte qu'il n'y ait pas détection (sous le seuil), ou qu'il puisse y avoir détection du mot avant (au dessus du seuil). La tâche était de cliquer sur les boutons correspondants à la couleur de l'écran. Bien entendu, comme avec la tâche de Stroop, ils ont manipulé la congruence entre le mot et la couleur (soit congruent, soit incongruent), avec en plus une condition contrôle ou le mot n'était pas une couleur et une autre condition contrôle ou il n'y avait pas de mot du tout.

Résultats
Les sujets n'ont pas rapporté avoir vu les mots quand ceux-ci étaient masqués sous le seuil.
  • Il y a un effet principal du type de mot (congruent/incongruent à la couleur), ainsi qu'un effet du masquage et du temps entre le mot et l'écran de couleur (s'il était présenté directement ou plus tard). La congruence et l'incongruence avaient un effet facilitateur sur le traitement de la couleur. 
Ces résultats vont contre les effets classiques de la tâche de Stroop, à savoir une augmentation du temps de réponse, un effet d'interférence. Il est fort probable que cet effet d'interférence n'intervienne en fait que quand il y a accès à la lexicalité du mot, et que ce ne soit donc pas interférent sous les seuils de détection, étant donné que les caractéristiques sont faiblement perçues ou altérées. Quand il n'y a accès au lexical ou au sémantique que de manière subliminale, il semblerait que l'interférence se transforme en facilitation, du simple fait que les deux soit des couleurs.

Expérience 4

Dans cette expérience, ils ont comparé les types de masques. Il y a d'un côté les masques périphériques (marche avant et après l'amorce, dépend de l'énergie) et les masques centraux (ne marche que quand il suit l'amorce, marche binocculairement, correspond à un pattern). (concepts un peu flous, je suis désolé...)
Au final, il semblerait que le masque central soit moins adapté car des informations d'association sont possibles.
L'idée principale est que cette différences d'effets pour les différents types de masquage résulterait du fait que les masques d'énergie (périphériques) dégraderait l'information du stimulus, en tout cas sur les formes. Il faut donc faire bien attention aux masques utilisés pour déterminer les seuils qu'on considère en détection. Cela pose problème vis à vis de toutes les études qui utilisent un masque énergique pour rendre leurs stimuli subliminaux. 

Expérience 5

La question est maintenant de savoir quelles sont les informations restantes quand on utilise l'autre masquage, à savoir le masquage par pattern (pattern masking) et comment elle est liée à la perception consciente?

Méthode
Ils ont fait passer 10 étudiants dans l'expérience qui consiste à effectuer soit une tâche de décision lexicale (mot ou pas) soit de détection (présence/absence). La séquence de l'amorce était répétée soit 1, 2, 4, 8, 12, 16 ou 20 fois avant la présentation de la cible. Ils ont fait varier le temps entre les amorces (500ms ou 1000ms). 500ms après la fin des répétitions, un signal sonore était lancé, et ensuite le sujet avait à effectuer la tâche demandée (détection ou catégorisation). Pour chaque nombre de répétition, il y avait 40 décisions lexicales et 40 détections à faire par sujet.

Résultats
  • Aucun effet n'a été observé du nombre de répétition sur le temps de réponse pour les mots non associés à l'amorce. 
  • Pour les mots reliés à l'amorce, par contre, on avait un effet très significatif du nombre de répétition, ainsi que de l'intervalle entre les amorces (1000 ou 500ms), avec une interaction significative, qui signifie que l'effet de relation amorce-cible est plus important pour un grand nombre de répétition avec un intervalle de 500ms. 
  • Il y a un effet du nombre de répétition significatif pour chaque intervalle inter-amorce (IRI).
  • Par contre, on arrive à un effet plafond plafond plus tôt avec l'IRI de 500ms que 1000ms. 

Discussion
L'effet d'association: L'association amorce-cible est d'autant plus forte que l'amorce a été répétée en grand nombre de fois. La force de l'association semble néanmoins avoir un effet plafond plus tôt à 500ms d'intervalle entre les répétitions qu'à 1000ms. Cela n'affecte pas les cibles non reliées, néanmoins. L'effet est néanmoins plus fort avec 500ms, même s'il atteint un plafond plus tôt. Pourquoi ?
Les auteurs pensent que c'est à cause d'une "désactivation" de ce que l'amorce active dans le cerveau. Si on laisse trop de temps, la trace cérébrale de la perception de l'amorce diminue trop, et quand on la présente une nouvelle fois, la quantité d'activation dans le cerveau sera moins importante que si l'intervalle est plus court et que la désactivation n'a pas pu se faire autant.

Détection: le nombre de répétition n'a pas d'effet sur la détection. On a ici une dissociation qui tendrait à prouver que les processus de détection et de catégorisation ne sont qualitativement pas les mêmes, c'est à dire qu'ils sont sûrement dans des réseaux neuronaux différents.

Dans cette expérience, ni la quantité de fois où c'est répété, ni l'énergie ne semblent être en lien avec l'accès à la conscience. Les conclusions de l'expérience 5 ne sont pas que le masque de pattern laisse intact la représentation iconique. Ca laisse intacte ce qu'il faut pour savoir si c'est un mot ou pas, mais pas pour le détecter. L'idée est que la détection ne serait pas, comme la catégorisation, dépendante d'un seuil, mais juste de la disponibilité de certaines informations perceptives...

Il faut néanmoins garder en tête que toute expérience d'amorçage se doit de faire des mesures indirectes, et que ce qu'on appelle "subliminal" dépend beaucoup des critères de détections qu'on a. Ce qui est subliminal dans une expérience ne le sera pas dans une autre.
Le plus important, dans ces expériences, est la preuve que le meilleur masquage est le masquage par pattern, qui garde intact les informations sur le stimulus, mais qui le rend juste non accessible à la conscience.

samedi 9 avril 2011

Badgaiyan & al. (1999). Amorçage auditif, traitement visuel ou auditif, quelles différences ? Indices donnés par la TEP

Jusque là, les études avaient montré une décroissance dans l'activité du cortex extra-strié, dans les conditions où il y avait un amorçage visuel. On n'était pas sûr s'il s'agissait d'une activité spécifique à la vision, ou qui concernait tout type d'amorçage. Cette étude apporte des réponses comme quoi ce serait plus général à tout type d'amorçage que spécifique à la vision. Cela ne se retrouve pas quand on change de modalité (auditif --> visuel) dans le même essai (ce qu'on appelle cross-modality).

L'amorçage réfère à un changement dans la capacité à identifier ou produire un objet ou un mot en conséquence d'une rencontre préalable spécifique de l'item. L'amorçage ne requiert pas la conscience ou la reconnaissance de l'amorce et fait donc partie de l'implicite/non conscient. 
Dans cette étude, ils ont utilisé ce qu'on appelle le paradigme de complétion de mots (word stem completion): on étudie les mots dans une phase amorce, et quelques temps plus tard, on doit compléter des débuts de mots avec le premier qui nous vient à l'esprit. Les études sur ce paradigme montrent qu'on ne les complète pas au hasard, et qu'environ la moitié vient des mots étudiés dans la phase amorçage, sans qu'on ait fait cela volontairement et consciemment. Les études de neuroimagerie sur ce paradigme ont trouvé une diminution d'activité dans le cortex extra-striée (aire 19 de Broadmann) pour la complétion avec des mots amorcés par rapport à quand il n'y avait pas d'amorçage.
Les études sur l'amorçage ont également montré que les résultats étaient meilleurs lorsqu'on restait dans la même modalité de présentation (l'amorce et la tâche de complétion toutes deux en vision, ou en audition) plutôt que quand on changeait de modalité entre les deux (l'amorce en audition et la tâche en vision). 

Ils ont fait 2 expériences pour montrer que cette désactivation du cortex extra-strié se trouve non seulement pas uniquement pour la vision, mais qu'on ne la retrouve pas en changeant de modalité entre l'amorçage et la tâche. L'expérience 1 évalue le within-modality (tout en audition), et l'expérience 2 l'across modality (vision en amorce et audition en tâche). 

Méthode
Dans l'expérience 1, les sujets étaient présentés à des mots auditivement. Il y avait 60 mots, dont 30 qui pouvaient se retrouver dans la tâche de complétion (contrebalancé entre les sujets), et ils devaient déterminer la clarté d'énonciation de ces mots sur une échelle de 1 à 3. 2 minutes après la présentation de ces mots, les sujets étaient scannés, pendant qu'ils passaient des blocs où ils devaient compléter des parties de mots présentées également auditivement, par le premier mot leur venant à l'esprit. Ils ont fait passer 8 sujets.
Dans l'expérience 2, il y avait une partie où c'était la même modalité (similaire à l'expérience 1, sauf qu'ils avaient à faire non pas un jugement de clarté mais du caractère plaisant des mots). Pour le cross-modal, les mots étaient présentées sur un écran, visuellement, pendant la phase d'étude (présentation des amorces). 
Ils avaient à chaque fois une baseline, pour les mots qui n'étaient pas présentés dans la tâche, et une condition de fixation, où il fallait juste regarder une croix (pour différencier ce qui vient uniquement du visuel, et n'a rien à voir avec l'amorçage).

Résultats
Expérience 1:
  • Les sujets ont rempli 49,2% des mots par des mots étudiés, et 16,4% pour ceux qui étudiaient la baseline (le hasard leur a fait remplir 16,4% des mots correctement). Il y a donc bien un effet d'amorçage. 
  • Il y a eu une diminution d'activité dans les zones du précunéus, du cortex préfrontal médian droit jusqu'à l'antérieur, et le cortex extra-strié bilatéral entre la condition priming (moins d'activité) et la fixation. Il y avait les mêmes entre le priming et la baseline, en rajoutant le gyrus angulaire droit.
Expérience 2:
  • Dans le within-modality (idem à l'expé 1), les sujets ont rempli 54,4% des mots par des mots étudiés, et 20,3% pour ceux qui n'ont pas étudié. Les temps de réponse étaient également plus court quand il y avait eu amorçage. 
  • Dans le cross-modality, les sujets ont rempli 48,1% des mots par des mots étudiés et 19,1% pour ceux qui n'ont pas étudié. Les temps de réponse étaient également plus court pour la condition amorcé, signifiant qu'il y a aussi eu un effet d'amorçage cross modal, similaire à l'effet en within-modality, ce qui indique qu'il n'y a pas de différence comportementale, mais qu'il y en a au niveau cérébral. 
  • Ils ont retrouvé les mêmes diminutions d'activité pour le within-modality par rapport à l'expérience 1. Pour le cross-modality, par contre, il n'y avait rien de tel, mais plutôt une activation plus forte du cortex préfrontal médian et antérieur droit. 
  • Les autres activations n'étaient que des traces. Ils ont ainsi trouvé des traces comme quoi il y aurait une plus grande activation en within-modality dans le gyrus angulaire, et qu'il y aurait une plus grande activation (ou une moins grande diminution) en across-modality dans le précunéus, le cortex préfrontal et le cortex extra-strié.
Discussion
Il est possible qu'ils n'aient pas trouvé de différence d'activation pour le cross-modality, parce que celui-ci ferait appel à des régions cérébrales différentes.
D'autres études ont montré que ce décroissement d'activité dans le cortex extra-strié était fréquent, et non dépendant de la forme des mots présentés. 

Si les sujets avaient créé une image visuelle des mots entendu, il y aurait eu un acroissement, et non une diminution d'activité. Idem s'ils s'étaient fait une image auditive des mots vu. 
Le processus pourrait être également une suppression/inhibition des processus visuels quand on est dans l'auditif, mais alors ils auraient observé une diminution d'activation quand il n'y avait que de l'auditif par rapport à quand il fallait fixer une croix.
Autrement, et c'est une vision plus séduisante, la diminution d'activité du cortex extra-strié pourrait être expliquée par le fait que cette zone ne soit pas impliquée uniquement dans le traitement visuel, mais ait des parties dédiés à d'autres traitements. 
On pourrait dire alors que le cortex extra-strié répond de manière amodale à l'amorçage... A creuser. 
Les activations dans le gyrus angulaire droit peuvent être expliquées car on sait maintenant que cette zone est impliquée dans le traitement lexical et le traitement non conscient. Les activations dans le cortex préfrontal sont dues à la mémoire épisodique. Il est intéressant de noter qu'ils n'ont pas montré de décroissement dans le cortex auditif même, il n'y aurait donc pas amorçage à un niveau perceptif, sinon, l'habituation aurait été vu directement dans ces zones perceptives.

Il faudrait reconduire l'expérience en alternant le cross-modal (auditif --> visuel et non plus visuel --> auditif) pour confirmer toutes ces hypothèses. 

On observe donc une décroissance de l'activité du cortex extra-strié à la fois en vision et en audition, tant qu'on reste dans du within-modality. Le cross modality semble plus devoir être dû à une inhibition par le cortex préfrontal des informations de la première modalité pour répondre par la seconde. Il semble également que le cortex extra-strié soit moins spécialisé qu'on ne le pensait!


Source: Badgaiyan, R.D., Schacter, D.L., Alpert, N.M. (1999). Auditory priming within and across modalities: evidence from positron emission tomography. Journal of Cognitive Neuroscience, 11(4), 337-348

lundi 14 mars 2011

Specht & al. (2005). Le "soundmorphing", une nouvelle approche pour étudier la perception du langage chez l'homme

La plupart des études en audition inconsciente utilisent des moyens trop divers pour dégrader leur stimuli (que ce soit de la voix, de la musique, des phonèmes, des sons complexes, etc.), à l’image du masque en vision. Cette étude présente une nouvelle manière de dégrader le stimulus : sélection de fréquences. Il ont séparé le son d’un mot parlé en 4 bandes de fréquences, et en présentaient 1, 2, 3 ou 4, afin de voir à quel moment cela était reconnu comme un mot. C’est seulement quand il y a toutes les fréquences que le son peut être reconnu à un mot, et c’est à ce moment que sont activées les zones de Broca, l’aire motrice supplémentaire, le thalamus gauche, et le cervelet droit.

Les études en audition, jusque là, se sont intéressées à plusieurs types de sons, allant des tons de musique à des mots réels en passant par tous les types de sons imaginables. En général, on demande de faire soit des tâches de décision lexicale (c’est un mot ?), de modulation d’attention, ou d’écoute dichotique (y’a quoi dans l’oreille droite ? alors que l’attention est focalisée sur l’oreille gauche). On a une préférence de traitement de l’hémisphère gauche pour les mots (effet connu sous le nom de l’avantage de l’oreille droite, observable en écoute dichotique) et une préférence droite ou bilatérale pour les sons non linguistiques.

Méthode
Ils ont utilisé des mots qu’ils ont morphé en enlevant des fréquences. Cela permet de garder la même durée du son, et de voir le processus qui différencie un son d’un mot.
Ils s’attendent à voir une augmentation de la latéralisation à gauche (hémisphère gauche plus activé) au plus on se rapproche du son complet.
Il y avait une phase d’entrainement avec des mots différents. Ils demandaient aux sujets de ne presser le bouton de réponse que quand ils sont sûrs que ce qu’ils ont entendu est un mot.
On fait passer les sujets en même temps dans un IRMf.

Résultats 
  • Dans toutes les conditions, il y avait une activation bilatérale du système auditif (lobe temporal), ce qui est normal, étant donné que les participants ont entendu des sons. Mais ils ont pu voir que plus il y avait de fréquences à traiter, plus l’activation était importante.
  • Pour la condition avec toutes les fréquences uniquement, on a une activation, en plus du système auditif, du gyrus frontal inférieur (la partie dorsale postérieure de l’aire de Broca), du thalamus gauche, et du cervelet droit.
  • La taille des activations ainsi que leur significativité augmentait avec l’augmentation de la complexité des sons entendus, mais seulement pour l’hémisphère gauche.
  • Seul le stimulus d’une seule fréquence montre une activation plus forte à droite qu’à gauche. Il y a donc majoritairement une dominance du cerveau gauche sur les sons, et ce d’autant plus qu’ils ressemblent à des sons du langage.

Discussion
Il y a eu donc une augmentation de l’activation du cortex selon la complexité du son. A savoir : plus le son ressemblait à un mot, plus l’hémisphère gauche répondait. C’est seulement pour la dégradation avec 1 fréquence qu’il y a plus d’activation à droite qu’à gauche, suggérant que c’est seulement dans cette condition où le son ne ressemble absolument pas à un mot. Il n’y a cependant que quand toutes les fréquences sont présentes qu’il y a reconnaissance du mot.
Une autre donnée intéressante est que le cerveau s’active de la même manière pour des mots et pour ce qui ressemble à des mots. La différence est juste faite en terme de plus d’activation et de significativité, mais ce sont les mêmes zones cérébrales impliquées.

Pour le traitement des mots, il y a comme une ligne qui partirait du cortex temporal postérieur pour aller vers l’antérieur, au plus on traite le mot comme un mot.


Source: Specht, K., Rimol, L. M., Reul, J. & Hugdahl, K. (2005). « Soundmorphing » : A new approach to studying speech perception in humans. Neuroscience Letters, 384, 60-65

vendredi 18 février 2011

Greenwald, A. G., & al. (1996). Trois marqueurs cognitifs révélant la présence d'un amorçage sémantique inconscient

Les études d’amorçage inconscient ont montré que la présence d’une amorce présentée de façon masquée (inconsciente) influençait le traitement de la cible. On garde deux marqueurs du fait que l’activation soit inconsciente : elle est très courte + elle ne laisse pas de trace en mémoire, qui pourrait influencer l’essai suivant dans la passation, par exemple. 
Des études ont montré qu’il y avait un traitement jusqu’au niveau sémantique, même sous des conditions de non conscience. Pour cela, les sujets devaient effectuer une tâche de discrimination : savoir si le mot cible était un mot / un pseudo mot ou savoir s’il référait à quelque chose d’agréable / de désagréable. Ils ont rendu le mot amorce inconscient par un masque, paradigme souvent utilisé dans l’amorçage inconscient.
Cette méthode est néanmoins critiquée : Les statistiques sont peu significatives, on n’est pas sûr que l’amorce soit effectivement perçu inconsciemment, il y a peu de réplication des expériences, et ceux qui ont essayer de reproduire les résultats n’y sont pas toujours arrivé.

Dans cette étude, ils ont fait varier l’intervalle SOA, qui est l’intervalle de temps entre le début de l’amorce et le début de la cible, de 67ms à 400ms, afin de voir à quel moment le processus d’amorçage apparaissait. Ils ont également fait varier la durée de présentation de l’amorce. Ils ont analysés les données avec une nouvelle méthode de leur cru, une analyse de régression. Ils regardent sur la courbe (cf. figure) le moment où cela passe par le 0 des abscisses, donc que ça croise la droite verticale. Au plus cela le croise avec une valeur éloignée de 0, au plus on est sûr qu’il y a eu perception inconsciente et effet d’amorçage.

Les résultats montrent que l’effet d’amorçage est efficace seulement pour les SOA inférieurs à 100ms. Il ne faut donc pas que ce les procédures d’amorçages aient un SOA plus long, tout simplement parce qu’en subliminal, il n’y a pas de mémorisation.
Pour les essais conscients (supraliminaux), il y avait un effet entre les essais, comme si la présence d’un essai congruent restait en mémoire pour influencer l’effet suivant. Ce n’était pas le cas pour l’inconscient (subliminal).
Le processus de traitement subliminal peut être compris par deux faits : l’absence d’attention sur le stimulus, et le masque qui interrompt le traitement du stimulus… C’est probablement un peu des deux qui produit l’effet.


Source: Greenwald, A. G., Draine, S. C., Abrams, R. L. (1996). Three Cognitive Markers of Unconscious Semantic Activation. Science, 273, 1699-1702

vendredi 11 février 2011

Kouider, S, & Dehaene, S. (2007). Les niveaux de traitement pendant la perception non-consciente : revue des études utilisant le masquage visuel

Cet article présente une review des processus de perception subliminale, observés par des techniques variés: par masque et d'autres méthodes.  On sait que les mots masqués peuvent avoir une influence sur un niveau perceptif, lexical et même sémantique (le sens), ça a même été observé sur l'activation du cerveau: une activation plus faible veut dire moins de conscience (ce qui ne veut pas dire qu'une activation forte amène forcément une prise de conscience). Pour accéder à la conscience, un stimulus doit réunir deux conditions: un input suffisamment fort + un retour top-down attentionnel. 
Ils distinguent ce qu'on appelle le subliminal et le préconscient.

Introduction
Une perception subliminale veut dire qu'un stimulus est invisible, mais qu'il influe quand même sur les pensées, les sentiments, les actions, etc. Par contre, la question se pose encore de savoir si différents niveaux ont besoin de conscience ou non. Par exemple, il est admit que pour une réponse motrice, il n'y a pas besoin de conscience (réflexe), mais il est moins admis qu'on puisse accéder au sens d'une phrase qu'on n'a pas entendu de manière consciente... Il y a trois voies théoriques: ceux qui pensent que le sens ne peut pas être atteint sans conscience, ceux qui pensent que le sens peut être atteint sans conscience, et ceux qui pensent qu'on commence par un accès non conscient, qui va devenir conscient ensuite.
Greenwald a une terminologie pour ça: les processus non conscients sont "dumb" et les processus conscients sont "smart", c'est à dire qu'on peut faire ce qui est basique sans conscience, mais pas ce qui est un peu intelligent...
Il y a également une théorie nouvelle du "global neuronal workspace framework", qui dit que le cerveau est fait de processeurs fonctionnant principalement de manière non consciente, mais qu'on peut, à un moment donné, accéder à plusieurs niveaux, et notamment la conscience, tant que le processeur est relié, par des axones longs, à des neurones du cortex préfrontal et pariétal. 

2. Perspective historique de la perception subliminale
Historiquement, on a commencé à étudier la perception subliminale autours d'expériences sur l'accès au sens de mots présentés de manière courte et entre deux masques. Avec soit des mesures directes (identification, discrimination ou détection) ou indirectes (le temps de réponse plus court pour un amorçage)

3. Démontrer la perception sans conscience
Le mot "subliminal" a été introduit par J. Herbart. Il désignait alors les idées qui se faisaient concurrence sous le seuil de la conscience. Ensuite sont arrivés les expériences démontrant des processus sans conscience: Peirce et Jastrow ont démontré par exemple une réponse motrice à des stimuli non perçus; Stroh et al. ont montré que les sujets discriminaient au delà du seuil de chance des lettres alors qu'ils disaient ne rien entendre, etc.
Puis il y a eu une grosse critique d'Eriksen: on ne peut pas faire confiance à la subjectivité des sujets qui disent ne rien avoir perçu. Si ça se trouve, ils perçoivent mais ne sont pas sûr, donc préfèrent dire qu'il n'y a rien... Ca a amené les chercheurs à chercher de nouvelles mesures indirectes de la conscience... 

4. Démontrer l'influence subliminal du sens
Dans une deuxième phase, Marcel a commencé à utiliser le paradigme du masquage de mots pour rendre les mots invisibles, et a trouvé que les sujets préféraient choisir, entre deux mots, celui qui était relié sémantiquement à l'amorce. Allport a aussi trouvé que quand les gens n'arrivaient pas à reconnaître l'amorce masquée, la plupart de leurs erreurs étaient quand même liés à l'amorce. Marcel a également montré que le phénomène de l'amorçage sémantique (le traitement de mots reliés sémantiquement à un mot présenté avant est facilité) marche toujours sous des conditions de masquage. 
Après les critiques d'Erikson, il y avait des réticences à y croire, mais d'autres études sont venu confirmer ces observations, sur des mots mais également des images. 

5. La chasse aux artéfacts
Après une critique de Holender sur le principe du masquage, on a fait plus attention à la méthodologie. On a ainsi trouvé que parfois, des sujets pouvaient montrer un effet d'amorçage erroné (une facilitation alors qu'il n'y avait pas de prime, par exemple).
On a aussi dit qu'il fallait faire des tâches de détections comportant plus de 20 items.
On a sous-estimé la visibilité du prime, qui, par exemple, est plus visible à la fin, quand on est plus adapté à l'obscurité de la salle de passation, et qui du coup n'est peut être plus subliminal. Et les études montrent que les effets d'amorçage sont corrélés avec la performance aux tâches de détection du signal. 
Il n'y a pas seulement une influence amorce-cible, mais aussi une influence cible-amorce...

On a également cherché à faire une dissociation entre l'amorçage conscient et l'amorçage inconscient. Marcel (1980) a trouvé un effet de facilitation pour les relations congruentes, et inversement pour l'incongruent, mais seulement pour les amorces visibles, pas quand c'était subliminal. On a également une expérience avec une tache d'inclusion-exclusion, où les participants doivent remplir un mot dont on donne la première lettre avec le premier mot qui leur vient à l'esprit, mais ça ne doit pas être le mot amorce. Quand les amorces sont présentés de manière courte et masquées, on remplit les mots par les amorces, cela suggère donc qu'on les traite, mais pas suffisamment pour pouvoir les inhiber consciemment, d'où une différence conscient/inconscient dans la théorie de l'amorçage.

Bien sûr, il faut aussi faire attention à la proportion de chaque mot amorce, s'il y a plus d'incongruent, il y aura plus de facilité à répondre quand c'est incongruent, parce qu'on y est plus habitué, et on mettra plus longtemps aussi avec la congruence, car ce sera surprenant.
Selon le temps de présentation du prime, on a aussi des différences d'amorçage. Pour les amorces présentées dans un délai court (50ms pour un mot), on ne peut plus utiliser de stratégies de prédiction, parce qu'on met plus de ressources à l'identification de l'amorce.

6. Amélioration méthodologiques et fin du scepticisme

On est passé par deux types de masquages. Le premier par Humphrey, avec un masque, puis l’amorce, puis la cible, puis un masque, et le deuxième par Forster, avec un masque, une amorce, puis la cible. Le premier type de masquage a permit de trouver des effets d’amorçage phonologique et orthographique, mais le problème est que parfois même la cible n’est pas perçu consciemment. Pour le type de masquage de Forster, il a été trouvé un grand nombre d’effets d’amorçage : orthographique, morphologique, entre modalités (visuel-auditif), sémantique et traduction.
Une amorce peut être considérée comme inconsciente quand elle est présentée pendant moins de 50ms. On trouve alors régulièrement de l’amorçage morphologique et orthographique, mais plus difficilement pour les amorçages sémantique et phonologiques. Même au niveau cérébral, on a du mal à identifier les amorçages inconscients.

Greenwald a alors proposé d’améliorer le paradigme : en forçant les sujets à répondre rapidement, et statistiquement, en utilisant une régression. Ils ont trouvé alors un effet d’amorçage sémantique, mais qui relève plus d’une catégorisation des mots plutôt que d’un vrai sens sémantique classique.

7. Les points principaux des études d’aujourd’hui
On a eu de nouvelles critiques sur le fait que les résultats subliminaux étaient bien sur un lien sémantique et non un autre. C'est possible que ça soit aussi des liens entre les stimuli présentés avant et le stimulus présent qui ait fait préparer l'action, et donc observer la diminution de temps de réponse.
On se bat quand même toujours pour dire que l'effet d'amorçage sémantique existe dans des conditions subliminales, mais beaucoup apportent également des arguments contre. Nouvel argument: le masquage n'est pas assez efficace, et ce qui est annoncé comme non perçu l'est en fait un peu.

Un nouveau point d'étude actuel est autours de l'imagerie cérébrale: on cherche où est la base de l'amorçage sémantique, et si on peut observer une différence entre état subliminal et état conscient. Il y a notamment une onde (la N400) qui semble attester d'un traitement conscient. Les résultats de l'imagerie cérébrale montrent que les processus moteurs et lexicaux sont accessibles sous la conscience. Sur l'accès au sémantique, à nouveau, certaines disent que oui et certaines que non...
Les données intracraniennes ont rajouté le niveau orthographique comme pouvant être accessible en état inconscient, et elles sont enfin toutes d'accord pour montrer un effet sémantique inconscient! L'émotion également pourrait être présente en subliminal.

On a également trouvé un nouveau paradigme, qui fait de l'inconscience en décalant l'attention. C'est par exemple l'écoute dichotique. Avec cette méthode, on trouve également un traitement sémantique! Ce paradigme a été beaucoup utilisé notamment avec les négligents unilatéraux, étant donné que le principe est de faire ignorer une partie de l'environnement... D'ailleurs, ces participants réussissent à traiter des stimuli subliminaux présentés dans la partie négligée, à un niveau sémantique. Mais cette méthode souffre des mêmes critiques que les autres.

9. Conclusions théoriques
Avec l'amorçage par masque, on observe facilement des traitements orthographiques et lexicaux, mais les traitements sémantiques et phonologiques sont plus difficiles à obtenir.
Avec l'amorçage par inattention, on observe tous les types de traitements, du lexical au sémantique, même en condition subliminale.

Ils proposent donc d'adhérer à un modèle tripartie de la conscience:
  • La conscience: activation forte et ressources attentionnelles disponibles, le stimulus est traité jusqu'au niveau le plus élevé.
  • La préconscience: activation forte mais pas de ressources attentionnelles allouées, le stimulus n'est pas traité consciemment, mais il est traité quand même jusqu'au niveau sémantique.
  • Le subliminal: activation faible, pas de ressources attentionnelles allouées, le stimulus est inconscient, et le traitement ne dépasse pas l'orthographique et le lexical.
Il y a pour ces trois niveau un contrôle top-down: l'attention allouée, et un processus bottom-up: la force du stimulus perçu. 


Source: Kouider, S, & Dehaene, S. (2007). Levels of processing during non-conscious perception: a critical review of visual masking, in Phil. Trans. R. Soc. B, 362, 857–875

mercredi 26 janvier 2011

Dehaene, S. & al. (2001). Les fonctionnements cérébraux du masquage et de l'amorçage de répétition inconscient

Cette étude a voulu trouver les bases cérébrales sous-tendant le phénomène de l'amorce masquée, un paradigme dans lequel une amorce est présentée entourée par deux écrans remplis de signes (ici des carrés), de mots ou de pseudos mots.
Ils ont trouvé que parmi les régions activées dans la lecture des mots consciente, le phénomène des mots masqués (qui sont donc en lecture inconsciente) activaient les zones extrastrié gauche, fusiforme et les aires précentrales. Mais même si les aires cérébrales activées sont partiellement similaires, ce qui change principalement, c'est l'intensité d'activation entre ce qui est conscient et ce qui est inconscient. Ils ont également fait attention à la position du mot dans l'espace de lecture, pour savoir si les processus étaient dépendant du contexte, ou si c'était les mots en soient qui activaient les zones.

Un mot visuel qui est présenté quelques dizaines de millisecondes reste lisible. Si par contre il est présentés proche (spatialement et temporellement) d'un autre stimulus visuel, il devient indétectable, voir invisible. C'est ce qu'on appelle le phénomène du masquage. Ce masquage permet toujours d'extraire les propriétés orthographiques, phonologiques et même sémantique du mot masqué, sans qu'on en soit conscient.
Ils ont démontré dans cette étude que les mots masqués activaient les zones extratrié, fusiforme et précentrale, et étaient accompagné par une diminution du temps de réponse et de l'intensité d'activation de ces zones par rapport aux mêmes mots présentés de manière consciente.

Ils ont fait deux expériences. La première pour étudier la réponse cérébrale face au phénomène de masquage d'un mot, et la seconde pour inclure ces résultats au milieu d'un paradigme d'amorçage de répétition. 

Méthode
En tout, ils ont fait passés les expériences à 37 sujets français droitiers. 
Dans l'expérience 1, 3 listes de 37 mots étaient créées. Les mots étaient composés de 4 lettres, étaient des noms et avaient une fréquence d'apparition de plus de 20/million. Chaque liste de mots étaient soient masqué (écrans avec des formes, avant et après le mot), soit non masqué (écrans blancs), soit utilisé comme distracteurs pour la tâche post-test de reconnaissance (où les sujets étaient présentés à tous les mots vus (masqués, non masqués) plus à des mots distracteurs, et ils devaient décider sans limite de temps s'ils les avaient déjà vus ou non) ou de reconnaissance forcée (les sujets étaient mis au courant qu'il y avait un mot masqué, ils devaient dire lequel c'était parmi la liste des mots masqués et des distracteurs). 
Les masques étaient constitués à partir de formes aléatoires.  
Les participants étaient placés dans un IRMf et faisaient un ERP. Ils ont randomisé l'ordre de présentation des mots masqués, non masqués et contrôles (des écrans blancs sans mots au milieux, et des écrans avec des formes sans mots au milieu). 

Pour l'expérience 2, 40 noms de 5 lettres, avec une fréquence de plus de 10/million ont été retenus pour une tâche de décision lexicale. La moitiés relevaient de choses faites par l'homme (train, champ, etc.) et l'autre moitiés étaient des mots naturels (fruit, arbre, etc.). On présentait aux participants un mot amorce relié ou non à une cible. La tâche était de déterminer si les mots référaient à quelque chose fait par l'homme ou naturel, il s'agissait donc d'une tâche sémantique. Ils ont également fait varier la position de présentation du stimulus (en haut ou en bas de l'écran).

Résultats
Pour l'expérience 1:
L'activation se propage du postérieur à l'antérieur
  • Les tâches comportementales montrent que les participants n'étaient pas capables de détecter, nommer ou se rappeler des mots présentés de manière masqué/inconsciente. Les mots masqués n'étaient pas non plus reconnus lors de la tâche de reconnaissance, et pas choisi lors de la tâche de reconnaissance forcée. 
  • IRMf: Les mots visibles activent les zones du gyrus fusiforme gauche, du cortex pariétal gauche, du cortex insulaire préfrontal bilatéral, du gyrus cingulaire antérieur, du cortex précentral et des zones motrices supplémentaires. Les mots invisibles, on l'a dit, activent les zones extrastrié gauche, fusiforme et les aires précentrales.
  • L'activation cérébrale était réduite pour les mots masqués par rapport aux mots visibles, et ce de manière plus forte dans les zones antérieures (éloignées du cortex occipital de la vision) que postérieur (la vision elle même). Ces résultats montrent qu'il y a comme une extinction d'activation des zones éloignés. Plus on s'éloigne de l'activation d'origine, plus il est difficile d'activer les zones, quand on est dans une situation de mots masqués. Là est l'explication de l'inconscience qui accompagne le masquage: les stimuli n'ont pas la possibilité de parcourir tout le réseau, parce que l'impulsion de départ n'est pas suffisamment forte pour entraîner tout le réseau avec elle. 
  • ERP: Le schéma de propagation d'un stimulus: une onde positive (P1, 164ms après l'onset) dans le cortex occipital --> une activation négative occipitotemporale gauche (N1, 252ms) --> une activation négative courte dans la zone centrale (N400, 340ms) --> une activation centrale positive (P3, 476ms). Les réponses étaient plus positives et plus négatives pour le visible que pour le masqué. Pour le masqué, on n'observe pas de N400 ni de P3, de plus, l'amplitude de P1 pour les mots masqué est seulement 25% de l'intensité de P1 pour les mots visibles.
Pour l'expérience 2:
  • Ils ont observé ce qu'on appelle le phénomène de "suppression de répétition" (une activation réduite des zones cérébrales quand les mots ont déjà été présentés). Ils ont regardé également quelles activations étaient dépendantes de l'endroit de présentation ou indépendantes. L'effet de suppression de répétition est indépendant de la zone de présentation.
  • Plus précisément, les zones où il y a une diminution d'activation pour cause de répétition du mot sont: le gyrus fusiforme gauche, qui s'active moins quelque soit le côté de présentation du stimulus, et sans différence entre les côtés, il est donc indépendant du contexte; le gyrus précentral gauche et droit, indépendamment du contexte; Les régions extrastriées, qui elles sont dépendantes du contexte.
Discussion
Ils ont donc identifiés un pattern d'activation en fonction du temps de plusieurs zones cérébrales, une propagation qui ne va pas aussi loin pour les mots masqués que visibles. 
En cas d'amorçage inconscient de répétition, il y a une diminution du temps de réponse à la fois de manière comportementale et biologique, les pics apparaissants plus tôt, mais on a aussi une diminution de l'intensité de l'activation. 
Ils ont trouvé le phénomène de suppression de répétition pour les amorces inconscientes, ce qui n'avait pas encore été prouvé. Celle-ci était dépendante du contexte pour le cortex extrastrié droit, mais indépendante du contexte pour le gyrus fusiforme et le gyrus précentral. Le fait que ce soit indépendant du contexte indique que ce qui est codé, c'est les propriétés des lettres, indépendamment d'autre chose. Des résultats similaires d'activations indépendantes du contexte ont aussi été observés dans d'autres études sur des images. 
Les informations spécifiques ont quand même été encodées, parce que la tâche était une tâche sémantique, et que pour cette tâche sémantique les temps de réponses étaient plus courts. 
En soit, qu'est-ce qui différencie la conscience de l'inconscience? L'intensité de l'activation cérébrale, et jusqu'où l'information se propage, dit cet article. Reste encore à savoir quelle zone est impliquée exactement dans le fait qu'un stimulus soit conscient ou non. 

Source: Dehaene, S., Naccache, L., Cohen, L., Le Bihan, D., Mangin, J. F., Poline, J. B., & Rivière, D. (2001). Cerebral mechanisms of word masking and unconscious repetition priming, in Nature Neuroscience, 4(7), 752-758

mercredi 19 janvier 2011

Koelsch, S., & al. (2004). La musique, le langage et le sens : les réponses cérébrales au traitement sémantique

La question est de savoir si la musique a du sens, c'est à dire si elle contient des informations reliées sémantiquement, par exemple à des mots, comme peut l'être un autre mot (docteur - infirmière). Ils ont donc fait une tâche d'amorçage sémantique en ayant des amorces soit linguistiques (le paradigme normal), soit musicales, et ont observé les réponses cérébrales. Il semblerait qu'en effet, on puisse retrouver les mêmes effets d'amorçage sémantique avec la musique.

Dans la littérature, il semble qu'il y ait une onde du cerveau spécifique pour les relations sémantique entre un mot et un autre, l'onde N400. Quand celle-ci s'active fortement, c'est qu'il n'y a pas de relation sémantique avec le mot présenté avant. L'amplitude de la N400 est inversement proportionnelle à la force du lien sémantique entre le mot et le contexte sémantique qui le précède. Ils ont donc enregistré cette onde avec un ERP.
Les théoriciens de la musiques, contrairement aux théoriciens de la langue, pensent qu'en effet, la musique a un sens. Ils distinguent 4 sens à la musique: 
  1. Le sens qui est créé par les liens comme le même tempo, la même dynamique, etc. 
  2. Le sens qui émerge de la suggestion d'un état émotionnel
  3. Le sens qui résulte des associations ne relevant pas directement de la musique (le fait que ce soit l'hymne d'un pays, par exemple)
  4. Le sens qui correspond à la structure de la musique, en terme de tensions, de résolutions, etc.
Matériel
Ils ont utilisé des amorces qui étaient soit des phrases musicales, soit des phrases de la langue. Ces amorces étaient soit reliées sémantiquement, soit non reliées aux cibles, qui étaient des mots (44 mots dont 22 abstraits et 22 concrets). Les 44 mots cibles étaient présentés dans 4 conditions : reliés avec une phrase, reliés avec une musique, non reliés avec une phrase et non reliés avec une musique. Les amorces étaient présentées auditivement, et les cibles, visuellement. L'ordre de présentation des amorces et des mots dans les différentes conditions était contrebalancé.

Ils ont eu en tout 122 sujets: 26 sur une première tâche comportementale, pré-test, pour évaluer le lien entre les amorces et les cibles, 24 sujets pour la première expérience ERP, 26 dans un deuxième pré-test où ils ont inclus la dimension de l'émotion, 16 dans la seconde expérience ERP, et 25 autres dans une dernière expérience comportementale, où les sujets avaient à choisir les mots reliés sémantiquement à toutes les amorces présentées dans les expériences précédentes (ce qui a reproduit les même classifications que les données précédentes). Les participants étaient des non-musiciens, et n'avaient jamais entendu les morceaux de musique avant (ce qui empêche un sens de provenir du 3ème point identifié plus haut).

Résultats

  • Une N400 plus grande est obtenue quand une amorce linguistique non reliés était présenté avant, par rapport à quand elle était reliée.
  • Une N400 plus grande a également été obtenue dans les mêmes conditions, mais pour les amorces musicales.
  • Il n'y a pas de différences significatives de régions cérébrales impliquées entre l'amorçage sémantique linguistique et l'amorçage sémantique musical (car on peut désormais parlé d'un tel phénomène). Tout se passe dans le sulcus temporal supérieur.
  • La présence d'une émotion ne fait en rien changer les réponses de N400.
  • La N400 est là même sans l'accès à la conscience d'une relation sémantique entre l'amorce et la cible.

Discussion
Dans cette étude, 3 groupes de sujets naifs, non musiciens, ont montré un effet d'amorçage sémantique avec des amorces musicales, ceci corroboré par des analyses EEG (l'ERP) qui montrent que les phénomènes cérébraux observés pour l'amorçage musical fonctionnent de la même manière et aux mêmes endroits, avec les mêmes durées, les mêmes orientations, etc. que l'amorçage sémantique classique. A savoir, on observe une onde N400 inversement proportionnelle au lien sémantique entre amorce et cible, et ce dans les mêmes régions du sulcus temporal supérieur.
L'amorçage par la musique fonctionne, que ce soit pour l'abstrait que pour le concret. Cela n'implique cependant pas que le sens présent dans la musique soit le même que dans les mots.

Même si on observe des différences comportementale dans le jugement des liens sémantique entre la musique et la langue, on n'observe pas de différence sur les N400. En tout cas, les informations portées par la musique sont encore plus importante que ce qu'on pensait avant.

En principale critique, on peut quand même dire que la musique peut faire penser à des mots qui eux seraient reliés directement aux cibles (ce qu'ils ont essayé d'éviter en ne mettant aucune musique connue, donc qui pourrait rappeler des choses), même si c'est aussi possible que ce soit directement la musique qui soit reliée, sans intermédiaire...

Il restera encore à déterminer ce qui dans la musique permet le lien sémantique...?


Source: Koelsch, S., Kasper, E., Sammler, D., Schulze, K., Gunter, T., & Friederici, A. D. (2004). Music, language and meaning: brain signatures of semantic processing, in Nature Neuroscience, 7 (3), 302-307

Dehaene, S. & al. (1998). L'imagerie de l'amorçage sémantique inconscient

A l'époque de l'article, la question se posait de savoir si les effets d'amorçage inconscients existaient réellement, et s'ils avaient donc un effet sur le comportement et sur le cerveau. Cette étude a apporté des preuves à la fois d'un changement comportemental (temps de réponse) et cérébral (ERP et IRMf). Ils ont utilisé un paradigme du masque pour créer leur matériel inconscient. 
Même si ce qu'on perçoit est inconscient, on peut aller jusqu'au traitement sémantique.

Méthode
64 paires de stimuli. Il s'agissait de chiffres, soit écrit en lettres, soit en chiffre, allant de 1 à 9 (1, 4, 6 et 9). Ils étaient présentés soit avec l'amorce et la cible écrits de la même manière (tout en chiffres / tout en lettre), soit de manière différente (amorce en chiffre - cible en lettre ou inversement).  Le temps de réponse pour les chiffres écrits en lettre est forcément plus long, mais cela n'influe pas sur l'effet d'amorçage. La tâche était une tâche de catégorisation: presser un bouton si le chiffre en cible était plus grand que 5, un autre bouton (avec l'autre main) s'il était plus petit que 5. Ils ont contrebalancé la position des boutons.

Ils ont utilisé le paradigme du masque, c'est à dire qu'ils ont placé l'amorce entre deux masques de lettres sans signification. Ils ont contrôlé que les stimuli n'étaient ni détectés ni catégorisés.

Dans une première partie, ils ont utilisé un LRP: Lateralised Readiness Potential, qui est une mesure d'ERP différencié selon l'hémisphère, on peut ainsi savoir si les réponses cérébrales observées viennent de l'hémisphère gauche ou droit. Ils avaient 12 sujets pour cette partie. Il y avait 256 essais enregistrés.
Dans une seconde partie, ils ont utilisé la même chose pour l'IRMf: le LBR (Lateralised Bold Response). Ils avaient 9 sujets pour cette partie. Il y avait 64 essais enregistrés.

Ils ont manipulé également la relation amorce-cible, celle-ci étant congruente ou incongruente, à savoir les deux chiffres amorce et cible étaient inférieurs (ou supérieurs) à 5 pour la condition congruente, et dans la condition incongruente, quand l'amorce était inférieure (ou supérieure) à 5, la cible était supérieure (ou inférieure) à 5. 

Hypothèse
Ils ont supposés que les temps de réponses inférieurs pour la condition incongruente étaient dû à une compétition de réponse entre l'amorce et la cible (ce qui est de nos jours basique). Mais pour aller plus loin, ils ont également supposé que cela était dû au fait que l'amorce était traité par le cortex comme un stimulus à part entière, et qu'il entrainerait donc à début de réponse motrice dans le cortex moteur correspondant au bouton sur lequel appuyer (si le chiffre est >5, et que le bouton >5 est à droite, on aurait une activation du cortex moteur gauche)

Résultats
Les sujets étaient en moyenne plus lents dans la condition incongruente (+24 ms). Les effets d'amorçage obtenus reflète un traitement sémantique, étant donné la nature de la tâche.
  • Les données LRP révèlent un effet significatif d'une activation du cortex moteur du mauvais côté pour la situation incongruente, mais pas d'effet significatif pour le congruent, que ce soit pour le côté droit ou gauche.
  • Les données LBR révèlent un effet significatif à la fois pour l'incongruent et pour le congruent, et répètent les même résultats que le LRP. 
Les données IRMf ici présentées sont similaires aux données ERP.


Discussion
Ces résultats montrent qu'on peut observer l'effet d'amorçage d'un point de vue neurobiologique, il y a donc une réalité biologique à ce phénomène jusque là observé d'un point de vue comportemental. En plus de ça, elle nous dit que l'amorçage ne donne pas seulement lieu à une activation perceptive, mais qu'il peut aller jusqu'à un traitement moteur et sémantique de l'amorce inconsciente.


Source: Dehaene, S., Naccache, L., Le Clec’H, G., Koechlin, E., Mueller, M., Dehaene-Lambertz, G., Van de Moortele, P. F., & Le Bihan, D. (1998). Imaging unconscious semantic priming, in Nature, 395, 597-600

mardi 21 décembre 2010

Kouider, S., & Dupoux, E. (2005). L'amorçage inconscient du langage

En amorçage, une technique souvent employée est la technique du "masque". On présente l'amorce et la cible séparés par un écran, notamment pour que l'amorce reste inconsciente, le cas échéant. Pour l'audition, les auteurs ont reproduit le même principe, mais avec des sons de parole compressés, présentés par dessus l'amorce. Les résultats montrent que même si les participants ne pouvaient pas identifier l'amorce masquée, il y avait un effet de répétition observable. Ils ont ainsi prouvé que des effets d'amorçage fonctionnaient sur la modalité auditive de la même manière que sur l'écrit.


Avant cela, aucun procédé d'amorçage inconscient n'existait pour la modalité auditive. On avait le processus classique en tâche de décision lexicale, où un mot amorce était présenté, puis un masque et ensuite la cible, mais cela n'avait pas été encore fait avec l'audition. Les études précédentes qui ont essayé de créer un procédé d'amorçage auditif se sont centré sur l'atténuation du niveau d'un stimulus avec un bruit de fond, mais ça n'a pas créé d'effet de masque satisfaisant. D'autres essais ont essayer de créer un amorçage inconscient avec une tâche d'écoute dichotique où l'attention serait orienté vers un distracteur, mais ça n'est pas concluant non plus. Dans la procédure actuelle, les sons sont dégradés seulement de manière temporelle (et non avec du bruit), on les a compressés, et on rajoute par dessus des sons de voix, similaires d'un point de vue spectre (ondes), mais qui sont inintelligibles. Tout du long de l'expérience, ce bruit est introduit, et produit le même effet que le bruit ambiant des discussions dans une soirée. La cible sort clairement du bruit ambiant, mais pas l'amorce, qui n'est pas spontanément détectée par les sujets.

Les théories actuelles sur la reconnaissance des mots parlés identifient 5 niveaux:
  • Niveau acoustique: analyse des sensations
  • Niveau phonologique: activation des phonèmes
  • Niveau lexical: activation des formes de mots
  • Niveau morphologique: retrouver les structures morphologiques
  • Niveau sémantique: accéder au sens des mots
Ils ont manipulés les différentes niveaux pour savoir lesquels marchaient en amorçage subliminal.

Hypothèses
Ils attendent un effet de répétition pour les mots mais pas pour les pseudos-mots, sans qu'il y ait eu conscience du stimulus d'amorce.
Ils attendent également un effet au niveau morphologique.
Ils n'attendent aucun ou peu d'effet d'amorçage au niveau phonologique et sémantique.
Ils attendent un effet de répétition quelque soit la similarité acoustique de l'amorce et de la cible. (expérience 2)

Méthode
104 étudiants, sans problèmes d'audition, parlant le Français en langue maternelle. 88 pour l'expérience 1 (âge: 23) qui passaient avec 1 des 4 taux de compression, et 16 dans l'expérience 2 (âge: 21).
Dans l'expérience 1, 96 paires de mots et 96 paires de non-mots. 24 paires de mots pour chaque condition: répétés, morphologiquement proches (la version masculine et féminine d'un mot: cousin-cousine), sémantiquement proches et phonologiquement proches (proches morphologiquement, mais sans sens commun: mandarin-mandarine). 32 paires de mots dans les conditions: répétition, phonologie et débuts de mots similaires (farotte-zarotte). + 96 mots et 96 non-mots pour servir de condition contrôle: non reliés.
Dans l'expérience 2, 124 paires d'items, la moitié en mots, l'autre en non mots, la moitié en monosyllabique et l'autre moitié en bisyllabique.
La tâche était une tâche de décision lexicale (LTD) sur les cibles. Celle-ci consiste à décider si on a vu/entendu un mot ou un non-mot, en appuyant sur un des deux boutons disponibles. On ne les met pas au courant de la présence d'une amorce. 
L'expérience deux consiste juste à faire varier le fait que ce soit une femme ou un homme qui prononce les mots.

On demandait ensuite aux participants d'effectuer deux tâches sur les amorces elles mêmes: une tâche de décision lexicale, puis une tâche de détection.

Résultats
  • Sur la tâche de détection de l'amorce: les amorces sont perçues pour les taux de compression de 50 et 70%, mais pas pour les taux de 35 et 40%
  • Ils ont observé un effet de la relation amorce-cible de 21 ms
Pour les mots:
  • L'effet de répétition était significatif quelque soit le taux de compression. L'effet de répéition augmentait avec l'augmentation du taux de compression. --> Il y a un effet d'amorce alors même qu'il n'y a pas de perception du stimulus amorce! 
  • L'effet d'amorçage sémantique (que les mots aient un lien entre eux) ne marche que pour le taux de compression de 70%. L'effet de la morphologie (le fait d'avoir un lien masculin-féminin) n'est que pour les taux de 50 et 70%. Ces deux effets (sémantique et morphologique) dépendaient donc de l'audibilité de l'amorce. Il fallait donc entendre l'amorce pour pouvoir accéder au sens et aux ressemblances morphologiques.
Pour les non-mots:
  • Un effet de répétition également observé, mais seulement pour les taux de compression de 50 et 70%
Enfin, l'expérience 2 ne montre aucune différence significative selon que l'amorce et la cible soient dites par la même voix ou par une voix du sexe opposé.
Ils ont retrouvé les mêmes résultats en excluant les participants qui n'étaient pas bons en détection de l'amorce.

Discussion
Ils ont donc trouvé un effet de répétition en amorçage auditif, en utilisant un procédé de compression temporelle des sons et un masque de babillage de parole (l'effet des voix dans une soirée). Cet effet de répétition se trouve même si on n'a pas conscience d'entendre une amorce. (D'autres effets (sémantique, morphologique) sont trouvés également avec cette méthode, mais seulement pour les mots qu'on perçoit consciemment). Cela marche moins bien pour les non-mots, ce qui implique qu'il y a activation des formes de mots abstraites. 

Ces résultats montrent que l'amorçage auditif fonctionne de la même manière que l'amorçage visuel, on y retrouve les mêmes résultats. A part pour la morphologie, où on peut penser à un processus spécifique en modalité auditive.

Néanmoins, le fait de ne pas avoir de résultats significatifs en amorçage sémantique serait peut être observé avec des tâches plus complexes qu'une LDT. De la même manière, les effets plus simples comme la proximité phonologique pourraient être observés également avec des tâches plus simples, parce qu'elles ne demandent pas autant de ressources.

Les résultats montrent que les processus lexicaux en audition ont lieux à des étapes précoces dans le traitement, et de manière inconsciente.


Source: Kouider, S., & Dupoux, E. (2005). Subliminal Speech Priming, in Psychological Science, 16 (8), 617-625

vendredi 26 novembre 2010

Finkbeiner, M. & al. (2008). Utiliser un système moteur pour étudier l'amorçage orthographique inconscient

Dans cette expérience, les sujets ont catégorisés des mots cibles, selon qu'ils faisaient plus penser à du vert (petits pois) ou à du rouge (fraise), grâce à une tâche de pointage du doigt. Ils avaient inclus des amorces qui étaient soit "rouge" soit "vert". Ils ont trouvé que la courbure des trajectoires de pointage était plus grande quand le mot cible était incongruent avec l'amorce (vert - SANG) que quand il suivait des amorces congruentes.
Il y a une augmentation de l'activité cérébrale dans la zone du cortex moteur située du côté opposé à la cible, dans le cas d'amorces incongruentes. Cela signifie que les amorces subliminales peuvent moduler l'activité électrique du cortex moteur. 

Il a déjà été montré que les processus perceptifs et les processus de formulation de réponse étaient continuent pour des stimuli conscients, mais ps encore pour les stimuli inconscients. Pour voir s'il y avait une réponse du cortex moteur avec des amorces inconscientes, ils ont utilisé l'analyse du mouvement du bras. Ils ont fait attention avec leur matériel à bien choisir leur ISI, parce qu'ils ont vu que plus les participants avaient du temps pour traiter le stimulus amorce, plus leur trajectoire de pointage était incurvé vers la mauvaise cible (dans le cas de situation congruente ou le prime a un rapport avec la cible). Cela agirait comme une "inhibition retour" sémantique, où il serait plus difficile d'aller vers les mots qui ressemblent à ceux qu'on a déjà vu en amorce.

Dans leur expérience, ils ont utilisé une procédure de présentation de l'amorce qui empêche d'en prendre conscience. 
La courbure des trajectoires de pointage des participants était plus grande dans la condition incongruente. Les participants étaient donc à même de programmer leur réponse en fonction de l'amorce, du côté de celle-ci, ce qu'ils devaient corriger en cours de pointage si la situation était en fait incongruente. Avec les ISI choisis, ils ont donc rétabli un effet normal où le participant est attiré vers la cible en rapport avec l'amorce. 

Expérience 1

Méthode
7 participants droitiers ont fait une tâche de catégorisation de mots qui étaient présentés sur un écran noir, en blanc. La catégorisation était de dire si la couleur de ce que les mots représentaient était verte ou rouge. (ex: sang ou concombre). Ils devaient pointer vers le carré rouge ou vert de l'écran. Avant ce mot, il y avait une amorce (soit rouge soit vert) dont le participant n'était pas avisé.
Ils avaient dix mots cibles (5 se rapportant au vert et 5 au rouge). Les mots amorces étaient "rouge" ou "vert". Ils ont contrôlé les variables de fréquence, de longueur, etc. Dans chaque condition (congruent, incongruent et neutre), chaque mot apparaissait 4 fois pour un total de 120 essais. Ils avaient une phase d'entrainement sur 30 essais.
Chaque essai était constitué d'un masque de 500ms, puis le mot amorce pendant 30ms, puis un masque pour 10ms et la cible pendant 2 sec ou jusqu'à ce qu'une réponse soit donnée. Ils avaient mit un ISI de 2 sec pendant lequel apparaissait le mot "loading". 

Résultats
Le temps de réaction est définie à partir du moment où la vitesse de la main dépassait un seuil de 10cm/s et le temps total est définie comme l'intervalle entre le début d'affichage de la cible et la fin du pointage. La Courbure maximale est définie comme le point le plus éloigné par rapport à la trajectoire linéaire. Ils ont enlevé les réponses fausses (4%) et les réponses trop rapides (<100ms)
  • Ils ont observé un effet significatif du type d'amorce sur la courbure maximale: la condition incongruente avait un maximum plus grand que la condition neutre et que la condition congruente. Néanmoins, pas de différences n'ont été observées entre la condition congruente et neutre.
  • Ils ont observé un effet significatif du type d'amorce sur le temps total mais pas sur le temps de réaction: Les réponses étaient plus lentes dans la condition incongruente que pour la condition neutre et congruente. Il n'y avait pas de différence entre la condition congruente et neutre.

Expérience 2

Dans cette expérience, ils ont fait varié la durée de présentation de l'amorce, afin de savoir si les résultats n'étaient pas dû à une prise de conscience de l'amorce. Ils voulaient également préciser les effets de congruences pour des valeurs de présentation de l'amorce élevés (on a dit plus haut que quand l'amorce était présentée longtemps, les temps sur la condition congruentes étaient augmentés).

Méthode
7 participants droitiers ont fait la même tâche que dans l'expérience 1, sauf qu'ils n'utilisaient pas un mouvement de la main, mais le mouvement d'un stylo sur une tablette. Ils faisaient 240 essais au total, 30 congruents et 30 incongruents pour chacune des 4 durées de présentation des amorces (10ms, 20ms, 30ms, 40ms). Il n'y avait pas d'amorce neutre cette fois-ci. 
La tâche de catégorisation de l'amorce était faite sur un clavier avec la main gauche. Les participants ne devaient pas répondre avant que n'apparaisse le point d'interrogation, 1 seconde après l'apparition de la cible. 

Résultats
Ils ont à nouveau supprimé les réponses fausses (2,3%) et ceux qui réagissaient trop vite (<100ms). 
  • La courbure maximale augmentait dans la condition incongruente plus le temps de présentation de l'amorce était long.
  • Les temps de réaction ne montraient aucune différence mais le temps total correspondait aux observations sur la courbure maximale: un effet significatif de l'amorce était observé, avec des temps totaux plus longs pour la condition incongruente pour la condition à 40ms (mais pas pour les autres)
 Discussion
Ils ont pu observer les résultats connus sur les processus de catégorisation avec une nouvelle méthode: l'analyse de la réponse motrice. Les résultats ont montré que la congruence entre l'amorce et la cible oriente le mouvement dans une direction: celle de la couleur de l'amorce, ce qu'il faut ensuite corrigé si on est en situation incongruente, et qui explique l'augmentation des temps de réponse totaux et le maximum de la courbure.


Source: Finkbeiner, M. & al. (2008). Engaging the motor system with masked orthographic primes: A kinematic analysis, in Visual Cognition, 16 (1), 11-22