dimanche 29 août 2010

Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de Mozart - La perception des hauteurs

Nous avons déjà parlé du premier chapitre de ce livre. Je vais donc continuer avec le second chapitre. Il y fait un rappel des données physiologiques de l'audition, en rappelant la composition de l'oreille. Ce qu'on peut retenir sur la suite est néanmoins qu'il parle de la notion de "contours" (par Deutsch, D., 1977) et de hauteur.

Contours et Hauteurs. 
Perretz (1990) aurait identifiée les zones de traitement de ces deux notions musicales: le contours, qui est la perception de la musique globale, de la mélodie, se ferait par l'hémisphère droit et celle des hauteurs (percevoir une note), par l'hémisphère gauche (cunéus et précunéus (aires 18 et 19 de Brodmann), gyrus frontal supérieur (aires 8 et 9) et gyrus temporal supérieur (aire 22). Parfois aussi la région occipitale gauche (de la vision), interprétée comme une représentation imagée de la hauteur sur une échelle de valeur interne). 
 
Courbe de fréquence pour un "Si grave" de Saxophone Ténor.

Pour la perception à proprement parler, il est intéressant de noter la notion développée de l'isotonie et de la tonotopie. La tonotopie correspond au fait que chaque cil dans l'oreille répond à une fréquence précise, et que selon la disposition des cils entre eux, il va y avoir également une information spatiale qui va pouvoir passer.  Par exemple, pour la perception des sons graves, cela se situe dans ce qu'on appelle l'Apex, et pour les sons aigus, dans la base du canal.. Le son passe entre les deux par tous les cils, et si la fréquence du cil est présente dans le son, il va réagir et envoyer au cerveau une information. Le cerveau reçoit donc un ensemble d'informations nerveuses correspondant à la courbe de fréquence de ce qui a été entendu. L'isotonie est le phénomène qui intervient ensuite, une fois que les terminaisons nerveuses des cils sont arrivées au cortex auditif. Le phénomène est similaire: on a pour chaque fréquence un neurone particulier qui est lié au cil.

L'attention musicale
Il existe un phénomène particulier très étudié: le cocktail party effect (Efron, 1983). Le principe est simple: vous êtes dans une soirée, la musique à fond, et tout le monde qui parle autours de vous. Curieusement, dans tout ce brouhaha ambiant, vous arrivez quand même à entretenir une conversation avec celui qui vous interpelle. Comment c'est possible? Par l'intervention de ce qu'on appelle la Cochlée, ou les cellules ciliées externes (les mêmes qui font qu'on entend parfois des sons alors qu'il n'y en a pas), liés directement au pole temporal. 
C'est notamment cette capacité que les Chefs d'orchestres doivent développer principalement, afin de discriminer les sons de chaque instrument dans la globalité et même la présence de la moindre fausse note, et qui l'a faite dans l'assemblée.

L'oreille Absolue
Définition: selon Zattore (1989), c'est "la capacité à identifier en dénommant les notes la hauteur d'un grand nombre de sons musicaux et à produire la hauteur exacte d'une note sans recourir à une note de référence.".
L'oreille absolue viendrait d'une zone du lobe temporal postérieur (à l'arrière du crane) et supérieure (au dessus). On appelle cette zone le Planum temporal. 
Elle serait présente principalement chez les musiciens qui ont entendu de la musique depuis leur plus jeune âge. Souvent, on pense ce don comme la capacité d'avoir toujours à l'intérieur de soi une sorte de note de référence (par exemple, on sait ce qu'est un LA 3 (440Hz)). C'est le cas pour certains, mais c'est une forme qu'on appelle non pas oreille absolue, mais quasi absolue. Pour l'oreille absolu, il n'y a pas besoin de référence à une note de base par rapport à laquelle on compare celle qu'on entend, on sait directement quelle est la note entendue, sans délai! 
Il existe également le phénomène inverse: l'impossibilité d'être juste. On ne peut chanter juste, on ne peut produire un  son juste, même si le son à reproduire est entendu en même temps, et on ne peut maintenir la voix, elle va vaciller. On appelle ça un problème "d'ajustement tonal des hauteurs" (Paperman, Vincent et Dumas).


Source: Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de Mozart. Odile Jacob: Paris

vendredi 27 août 2010

Baddeley, A. (2000). Le buffer épisodique, nouvelle composante de la mémoire de travail?

On en a déjà parlé récemment avec l'article concernant le livre de B. Lechevalier. Baddeley a récemment revu son modèle de mémoire de travail (MDT) pour ajouter un nouvel élément: le buffer épisodique. Ce serait un élément qui permettrait aux informations contenues en MDT d'accéder en mémoire à long terme (MLT) épisodique, tout en pouvant rester accessibles à la MDT qui peut les manipuler même après un temps très long.
Description de la MDT
ancien modèle de la mémoire de travail de baddeley
Ancien modèle de Baddeley

D'après ce qu'on sait déjà, la mémoire de travail est composé d'un administrateur central (situé dans les lobes frontaux), qui s'occupe de gérer l'action des deux autres éléments: la boucle phonologique, qui permet de traiter les informations verbales et auditives (situé dans les aires 40 et 44 de Brodmann, respectivement pour le cache phonologique et la boucle articulatoire) et la boucle visuo-spatial, pour les informations visuelles (situé dans les aires 6, 19, 40 et 47, principalement dans l'hémisphère droit). Pour chacun, différents effets ont été étudiés, comme par exemple l'effet de similarité phonologique (les éléments auditifs qui se ressemblent sont retenus plus difficilement que ceux qui ne se ressemblent pas. C et G sont plus difficiles à rappeler que F et W), l'effet de longueur des mots (des mots longs sont plus difficiles à mémoriser en MDT car ils prennent plus de place), l'effet de suppression articulatoire (si on empêche la répétition interne d'une information auditive, on a plus de difficulté à la restituer. Cet effet annule l'effet de longueur des mots) ou le phénomène qui transcrit une information langagière lu en information auditive (on a une voix qui lit dans notre tête), pour ce qui concerne la boucle phonologique (des effets similaires ont été observés pour la boucle visuo-spatiale).

Nécessité de revenir sur le concept de Mémoire de travail.
Le modèle de la MDT a été mis au point en 1974, par Baddeley et Hitch, depuis, il est toujours utilisé et répond à de nombreuses attentes dans les domaines de la psychologie cognitive, la neuropsychologie, la neuroimagerie, et d'autres. Mais il y a quand même des faits qu'il ne peut expliquer. Un exemple de neuropsychologie est donné pour mieux comprendre:
Un patient a un problème sur la boucle phonologique, il ne peut donc pas retenir à court terme des informations auditives comme des lettres ou des mots qu'on lui dicte. En même temps, on observe chez lui une difficulté à acquérir un nouveau langage, à apprendre de nouveaux mots, ce qui indique un problème de mémoire à long terme, alors qu'il n'a pas de problème de MLT pour quoique ce soit d'autre. Cela indique donc qu'il y a un lien direct entre la MDT et la MLT pour certaines informations passants en MLT après avoir été travaillées par la MDT. C'est ce que Baddeley inclut dans son nouvel élément : le buffer épisodique.

Le changement de modèle.

Nouveau modèle de la mémoire de travail, Baddeley (2000)
Nouveau modèle de la mémoire de travail de Baddeley (2000)

Baddeley a donc développé un nouveau concept qu'il a inclut à l'ancien. Il l'a appelé Buffer épisodique. A quoi sert-il? Le Buffer Episodique est en fait là pour récupérer les informations de plusieurs types différents, parfois plusieurs en même temps, afin de les consolider en MLT, et également pour faire le lien entre ces deux types d'informations. Il est contrôlé par l'Administrateur central. Baddeley a développé cet élément pour expliquer les problèmes observés par rapport au langage. Depuis, le Buffer est vu comme un élément à part entière de la MDT, utile dans plusieurs domaines qui nécessitent l'utilisation d'une MDT sur le long terme (comme la musique par exemple). Le lien peut être utilisé dans les deux sens (bottom-up et top-down), par exemple en mémorisant des informations sur le long terme pour le premier et en utilisant des informations connues (comme des phrases) pour que les mots qu'on doit retenir soient plus faciles à retenir (ex: on ne retient que 5 ou 6 mots quand ils n'ont pas de liens entre eux, mais 16 quand on peut en faire des phrases, qu'on forme grâce à notre MLT en association avec la MDT (preuves neuropsychologiques, cf. l'article pour plus de détails)). Ce dernier point est appelé Chunking et a été développé par Miller (on y reviendra peut être dans un autre article).
Au final, à quoi sert-il?
Le buffer épisodique est utile de nombreuses façon:
  • Il permet de faire le lien entre les informations visuelles et les informations auditives
  • Il permet de manipuler des informations autres que visuelles, auditives ou kinesthésiques
  • Il permet de consolider des informations visuelles, auditives et autres en MLT (Processus Bottom-up)
  • Il permet d'accéder à la MLT pour faciliter l'utilisation de la MDT (comme par exemple en formant des phrases pour mieux retenir des mots) (processus Top-Down)
  • Il permet de faire perdurer une certaine forme à long terme de mémoire quand la MLT est endommagée mais pas la MDT (données neuropsychologiques)
  • Il permet de pouvoir reprendre des informations contenues en MLT pour effectuer des opérations dessus grâce à la MDT
  • Il mémorise des "épisodes", plus longs que les items classiques, et permet d'avoir un empan supérieur grâce au phénomène de Chunking (associations de divers items qui n'en deviennent plus qu'un seul).

Source: Baddeley, A. (2000). The episodic buffer: a new component of working memory?, In Trends in Cognitive Sciences, 11 (4)

dimanche 8 août 2010

Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de Mozart - La mémoire musicale

Ici, c'est d'un livre dont je voudrais parler. Bien sûr, un livre ne peut se résumer en 1 article, donc je vais essayer de faire un article pour chaque chapitre intéressant.

Chapitre 1: La mémoire musicale.
Il y est relaté comment W.A. Mozart a mémorisé en entier l'œuvre du Miserere et l'a ensuite retranscrite en intégralité, de mémoire. Cette anecdote est relatée pour introduire le concept particulier le mémoire musicale.
Selon Lechevalier, la mémoire musicale serait à la fois une mémoire procédurale, c'est à dire qu'on se souvient des mouvements à faire sur l'instrument, ou des mouvements que l'autre a fait, et on les reproduits. C'est également une part de mémoire sémantique, quand on essaye de se souvenir des informations liés à la mélodie entendue, pour reconnaître par exemple que tel morceau s'appelle New Born et qu'il a été fait par Muse. La mémoire musicale serait également en partie une mémoire épisodique, car on a toujours le souvenir d'endroits reliés à notre écoute de la musique, que la simple écoute d'un morceau peut rappeler. Enfin, la mémoire musicale serait également une mémoire de travail à long terme, concept nouveau de Baddeley (2000) que je tenterai d'approfondir en retrouvant l'article dont il est question, qui permet de manipuler des informations comme en mémoire de travail, mais sur un temps plus long que s'il s'agissait d'une mémoire de travail classique. On parle plus précisément du "buffer épisodique" pour le traitement de la musique.

Lechevalier nous indique également quelle est la différence dans la mémorisation d'une chanson et d'une mélodie uniquement instrumentale. On comprend bien que dans l'un, on active quelque part une partie de la zone du langage (bien que la zone du langage et la zone des paroles chantées ne soit pas la même, au vue des données neuropsychologiques de lésions affectant les unes et pas les autres) et que dans l'autre, c'est tout autre chose qui est activé. Le langage étant traité dans la partie gauche du cerveau, majoritairement, il y aurait une prédisposition à la mémoire des chansons chez les personnes au lobe temporal gauche plus développé, et une mémoire des mélodies, pour ceux qui ont le lobe temporal droit plus développé. De là à faire le lien avec le cerveau gauche analytique et le cerveau droit global, il n'y a qu'un pas, surtout lorsque Lechevalier parle dans son chapitre suivant de la perception de la mélodie globale...


Source: Lechevalier, B. (2006). Le cerveau de Mozart. Odile Jacob: Paris

lundi 2 août 2010

Mayer, R. E. (2003). La promesse de l'apprentissage multimédia : utiliser la même design à travers plusieurs médias

Voilà la situation : un étudiant qui s’assied devant un professeur en amphi pour écouter son cours, et un autre qui s’assied devant un livre qui raconte la même chose : lequel aura le plus apprit ?

Méthode utilisée :
Les résultats ne sont pas recueillis par des questionnaires, comme on en a l’habitude pour les expériences sur l’apprentissage, mais sur une application du savoir dans une autre situation-problème (ici prédire le fonctionnement d’une pompe à air après avoir appris les généralités sur les pompes à air), soit en la résolvant, soit, et ça montre que le sujet a été non pas mémorisé mais appris, en proposant des améliorations ou des explications sur une panne.
Pour cela, il utilise un matériel multimédia, c’est à dire qui utilise plusieurs supports : un ordinateur ou un livre, ainsi qu’une présentation : présenté avec les images proches du texte auquel elles se réfèrent, et avec les images éloignées.
Il y a donc deux variables : Support (2 modalités) et Présentation (2 modalités).

Apprentissage multimédia :
Mayer développe une théorie de la mémorisation à partir de plusieurs sources (images+mots) dans laquelle les informations perçues passent par 3 étapes :

Sélection des bonnes informations → organisation des informations retenues → Intégration (apprentissage).

La question qui se pose est : Est-ce que l’apprentissage multi-média est affecté principalement par la présentation (mauvaise vs bien présenté), par le média (livre vs ordinateur) ou est ce que l’effet de l’instruction n’est visible qu’en pensant le média avec la présentation (ordinateur et texte bien présenté)
Il a identifié 4 effets d’apprentissage :
  • Effet multimédia : quand il y a des images avec du texte, on apprend mieux que quand il n’y a que des mots, quelque soit le support (livre ou ordinateur)
  • Effet de cohérence : on apprend mieux quand il n’y a pas d’informations inutiles, quelque soit le support
  • Effet de continuité : on apprend mieux quand les images sont proches des mots auxquels elles font référence, quelque soit le support
  • Effet de personnalisation : on apprend mieux quand on est dans une interaction avec quelqu’un qui nous parle sans juste lire un texte
Là dessus, j’ai moi même effectué une expérience en L3 sur le support d’apprentissage en faisant lire un texte complexe à des étudiants (60) en licence de psychologie. Différents supports étaient utilisés : Support papier, Support Oral (un orateur qui dicte le texte) et Support Vidéoprojecteur (type diaporama). Nous avions également reproduit la variable de présentation, en mettant des textes bien présentés, ou mal présenté. J’ai obtenu des résultats significatifs (p= .05) sur la variable de présentation, confirmant qu’un texte bien présenté (même sans utiliser du multimédia, seulement du texte) était déjà mieux appris qu’un texte sans mise en forme. J’ai également trouvé qu’il n’y avait aucune différence significative selon les supports, ce qui confirme les résultats obtenus par Mayer avec des supports différents.


Source : Mayer, R. E. (2003). The promise of multimédia Learning : using the same instructional design methods across different media, Learning and Instruction, 13, 125-139